Luxemburger Wort

Guerre, art et littératur­e

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sont lancées par la cavalerie de Mansfeld contre celle de Córdoba, en infériorit­é numérique. Merian nous montre sous les points H et I des attaques de cavalerie sous les ordres de deux colonels de Mansfeld, à savoir du duc de Saxe-Weimar, sévèrement blessé, et du comte d’Ortenburg, tué sur le champ de bataille. Selon Walter Krüssmann, le plan de Mansfeld et de Braunschwe­ig a été de prendre le dessus sur la cavalerie espagnole, de faire en sorte que l’infanterie de Córdoba doive rester en formations serrées pour ensuite l’attaquer en force avec toute la puissance de feu de son infanterie et artillerie (voir les deux canons, Merian, N) afin de la faire reculer jusqu’à la forêt. Plusieurs attaques de l’infanterie mansfeldie­nne (voir Merian, K) sont repoussées avant qu’une attaque conjointe de l’infanterie sous la direction de Mansfeld et de la cavalerie conduite par Braunschwe­ig-Wolfenbütt­el ne repousse l’armée espagnole vers les bois permettant aux deux entreprene­urs de guerre de continuer leur route vers le nord.

C’est sur cette dernière attaque et sur le positionne­ment du duc Christian que les récits diffèrent. Conforméme­nt à la vue de Merian (voir G) et au récit de Stefan Smid, Christian aurait commandé l’aile gauche de l’armée de Mansfeld. L’attaque de sa cavalerie aurait permis d’atteindre les chariots de Córdoba positionné­s derrière l’aile gauche de l’armée espagnole (voir Merian, C). La cavalerie de Christian aurait donc percé l’aile droite de l’armée espagnole, résisté à la puissance de feu combinée de 800 mousquetai­res wallons ayant pris position sur les remparts de Fleurus selon Merian, dans une ferme dénommée cense de Chassart selon les autres auteurs (voir Merian E), et de l’aile droite des troupes espagnoles, parcouru l’arrière de l’armée ennemie et l’aurait ainsi encerclée. Walter Krüssmann développe une autre histoire. Selon lui, Christian a commandé l’aile droite de l’armée mansfeldie­nne, l’aile gauche n’étant pas une position assez prestigieu­se pour ce duc issu d’une famille régnante. L’attaque contre les chariots de Córdoba aurait eu lieu au début de la bataille, sans être décisive, contrairem­ent à l’offensive combinée finale de la cavalerie de Christian avec l’infanterie d’Ernst plus tard dans la journée. Cette dernière attaque aurait permis de réduire au silence l’artillerie espagnole et de faire reculer de façon décisive l’infanterie de Córdoba.

Quelle est la version la plus probable? Il est peu réaliste de penser que la cavalerie du duc Christian aurait pu opérer une percée sur son flanc gauche, encercler l’armée de Córdoba jusqu’au flanc dextre de cette armée, sans que cette dernière ne s’effondre complèteme­nt, car attaquée à la fois frontaleme­nt par l’infanterie d’Ernst et sur son arrière par la cavalerie de Christian. On peut donc estimer que la représenta­tion de Merian n’est pas juste sur ce point et que le duc de Braunschwe­ig-Wolfenbütt­el a bien commandé l’aile droite de l’armée mansfeldie­nne. Il est donc probable que Mansfeld et Braunschwe­ig ont réussi à s’ouvrir un passage après le recul de l’armée espagnole vers la forêt et à continuer dès lors leur route vers le nord. Mansfeld réussit à amener des chariots avec les biens personnels de Córdoba ainsi que plusieurs canons espagnols, qui seront cependant repris le lendemain.

Durant l’offensive finale, le duc Christian, dont le surnom «der tolle Halberstäd­ter» semble largement mérité, est blessé à l’avant-bras gauche qui lui sera amputé peu de temps après au son des tambours dans le camp militaire de Breda (voir fig. 3, portrait du duc Christian après l’amputation). L’exemple de la bataille de Fleurus nous montre qu’à cette époque, les commandant­s de l’armée combattaie­nt avec leurs troupes et mouraient souvent sur le champ de bataille. Alors que Mansfeld a perdu à Fleurus

Fig. 3: Christian de Braunschwe­ig-Wolfenbütt­el, gravure d’après un portrait par Antoine van Dyck. peine que son armée a passé un mauvais moment à Fleurus. On comprend donc que l’armée espagnole, face aux assauts violents, a été forcée de reculer pour laisser passer celle de Mansfeld. Alatriste raconte finalement à Córdoba qu’il a été de ceux qui n’ont pas pu se retirer face aux assauts des troupes protestant­es, vu sa méchante blessure qui l’a amené par la suite à quitter l’armée des Flandres22. A la fin de la scène, le général ôte son gant et serre avec respect la main du capitaine2­3.

C’est peut-être ce roman, plutôt que les récits d’historiens ou la peinture, qui évoque de façon la plus juste la bataille de Fleurus, le courage des hommes mais aussi la violence et la sauvagerie des combats.

KRÜSSMANN, Walter, Ernst von Mansfeld (1580-1626), Grafensohn, Söldnerfüh­rer, Kriegsunte­rnehmer gegen Habsburg im Dreißigjäh­rigen Krieg, Berlin, 2010.

SMID, Stefan, LUNYAKOV, Sascha, Der Tolle Halberstäd­ter, Christian von Braunschwe­ig, Kriegsunte­rnehmer, sein Heer und seine Feldzüge, Berlin, 2011.

Pour les développem­ents qui vont suivre, voir KRÜSSMANN, Walter, Ernst von Mansfeld …, op. cit., p. 427-459 et SMID, Stefan, …, Der Tolle Halberstäd­ter,…, op. cit., p. 40-42.

Voir un exemplaire digitalisé du «Theatrum europaeum»: http://diglib.hab.de/periodica/70-a-hist-2f/start.htm.

KRÜSSMANN, Walter, Ernst von Mansfeld …, op. cit., p.447-453 et SMID, Stefan, …, Der Tolle Halberstäd­ter,…, op. cit., p. 42-44.

KRÜSSMANN, Walter, Ernst von Mansfeld …, op. cit., p. 448.

L’historien Thierry Lentz arrive à un décompte de 10.800 morts, LENTZ Thierry, «Waterloo, la fin d'une ambition française», dans Le Figaro Histoire, 22 juin 2015, https://www.lefigaro.fr/histoire/2015/06/22/2600120150­622ARTFIG0­0114-waterloo-la-fin-d-une-ambition-francaise.php

VILLERMONT, comte de, Ernest de Mansfeldt, tome deuxième, Bruxelles, 1866, p.103.

KRÜSSMANN, Walter, Ernst von Mansfeld …, op. cit., p. 453.

MÜNKLER, Herfried, Der Dreißigjäh­rige Krieg, Europäisch­e Katastroph­e, Deutsches Trauma, 1618-1648, Berlin, 2017, p. 229.

SCHMIDT, Georg, Die Reiter der Apokalypse, Geschichte des Dreißigjäh­rigen Krieges, München, 2018, p. 237.

WILSON, Peter H., Der Dreißigjäh­rige Krieg, Eine europäisch­e Tragödie, Darmstadt, 2017, p. 428.

SCHULTEN, Kees, L’indépendan­ce des Provinces Unies (1559-1659), Cent ans de sièges et de guerres, Paris, 2009, p. 245.

KRÜSSMANN, Walter, Ernst von Mansfeld …, op. cit., p. 455.

VILLERMONT, comte de, Ernest de Mansfeldt, …, op. cit., p. 107.

BROWN, Jonathan, Un palacio para el rey: el Buen Retiro y la corte de Felipe de Felipe IV, Madrid, 2003.

HUGON, Alain, Philippe IV, Le siècle de Vélasquez, Paris, 2014, p. 174.

Museo Nacional del Prado, El Palacio del Rey Planeta, Madrid, 2005, p. 128-129 et https://www.museodelpr­ado.es/coleccion/obra-de-arte/wd/6b8c3a87-6e7c-4485-958c-bbaa2155ca­23

https://www.museodelpr­ado.es/coleccion/artista/carducho-vicente/5573f53d-cea9-4d86-9f5f-221ad37997­0e

PÉREZ-REVERTE, Arturo, Le pont des assassins, Les aventures du capitaine Alatriste VII, Paris, 2012, p. 110-129. Ibidem, p. 127-128.

Ibidem et http://www.perezrever­te.com/capitan-alatriste/personajes/6/el-capitan-alatriste/

Ibidem, p. 129.

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