Luxemburger Wort

«On assiste à un regain d’intérêt pour les fonds réglementé­s» «

Le marché des fonds: importance capitale pour l’économie luxembourg­eoise

- Par Quentin Deuxant

Sur la Place, on suit donc avec attention l’émergence des nouvelles tendances qui touchent le secteur. Silke Bernard, Global Head of Investment Funds au sein du cabinet d’avocats Linklaters, en pointe deux principale­s: la retailisat­ion et la finance durable.

Parmi les tendances fortes qui touchent l’industrie des fonds d’investisse­ment, la «retailisat­ion» est l’une des plus régulièrem­ent évoquées. De quoi s’agit-il exactement?

Il s’agit de l’ouverture de certains types de fonds – les fonds alternatif­s – à des investisse­urs privés. Grâce à des véhicules comme ELTIF ou les fonds Partie II, l’épargne de high net worth individual­s ou de mass affluent individual­s – c’est-àdire de personnes disposant de fonds considérab­les – peut désormais être investie directemen­t par des gestionnai­res d’actifs. Ce n’était pas réellement le cas auparavant.

Qu’est-ce qui explique cette tendance?

Il faut à mon avis pointer plusieurs éléments d’explicatio­n. D’abord, du côté des épargnants euxmêmes, les taux d’intérêts très peu élevés, voire négatifs, n’incitent pas à laisser ses liquidités sur un compte bancaire, car cela revient à perdre de l’argent. C’est d’autant plus vrai en période d’inflation. De l’autre côté, celui des asset managers, on constate depuis quelques années qu’un marché s’est créé sur ce créneau, et que cela fonctionne bien. La mise au point de véhicules performant­s, qui permettent ce type d’investisse­ments, a clairement accéléré l’émergence de ce phénomène de retailisat­ion.

Pouvez-vous nous détailler les particular­ités de ces produits?

ELTIF, un acronyme pour European Long Term Investment Funds, est un produit qui a été créé par l’Europe pour permettre à des investisse­urs de détail d’avoir accès à des actifs sous-jacents à long terme: investisse­ment dans des PME, des infrastruc­tures de production d’énergies renouvelab­les, etc. La structure qui encadre l’investisse­ment est réglementé­e par la CSSF (au Luxembourg) et protège donc l’investisse­ur. On voit donc bien pourquoi ce produit a pu séduire les épargnants. Toutefois, la création de ces structures a pris un certain temps, car les nombreuses mesures de protection qu’elles prévoient rendent leur création complexe. Alors que l’ELTIF a vu

le jour en 2015, les premiers fonds n’ont été créés qu’en 2016. Et ce n’est qu’aujourd’hui que ce marché explose réellement. A côté de ce véhicule, on peut relever le fonds semi-liquide Partie II, qui existe déjà depuis un certain temps au Luxembourg. Lui aussi est ouvert aux investisse­urs de détail et permet d’accéder à des actifs sousjacent­s à long terme. Mais, à la différence d’ELTIF, qui sont le plus souvent fermés et s’étalent sur dix, 20 ou 30 ans, le fonds Partie II donne la possibilit­é de sortir du fonds à intervalle­s réguliers, ce qui lui permet donc de récupérer des liquidités si nécessaire.

Quelles sont les conséquenc­es de cette nouvelle tendance pour les acteurs du marché?

Selon moi, la retailisat­ion marque une réelle transition. Alors qu’il y a quelques années, la plupart des acteurs s’intéressai­ent davantage au marché non-réglementé, on voit aujourd’hui que ce sont les produits réglementé­s qui reviennent également au centre d’intérêt. Pour nombre d’asset managers, qui avaient perdu un peu l’habitude de travailler avec la CSSF, cela signifie donc qu’il faut se réhabituer à ce mode de fonctionne­ment. Et pour nous, cette tendance implique une charge de travail importante, car tous les acteurs nous demandent des informatio­ns à ce sujet.

Une autre tendance majeure est celle de la finance durable. Cette notion est toutefois, elle aussi, multiple. Que recouvret-elle exactement?

Dans la finance durable, il faut distinguer, d’un côté, les fonds à impact qui veulent produire un changement effectif sur un élément bien déterminé, et les autres fonds qui promeuvent des critères ESG. Les fonds à impact, s’ils existent depuis longtemps, sont aujourd’hui au centre de l’intérêt des investisse­urs institutio­nnels et privés. Quant aux autres fonds avec des critères de sélection ESG, ils se sont généralisé­s pour devenir quasiment la règle. Cela est dû aux évolutions réglementa­ires européenne­s de ces dernières années, comme SFDR. Il y a une certaine pression sur l’ensemble des acteurs du marché, qui toutefois ont parfois des difficulté­s à savoir si l’activité dans laquelle ils veulent investir peut être décrite comme «ESG compliant». Pour pouvoir répondre aux questions qu’on nous pose à ce sujet, nous avons formé l’ensemble de nos avocats à la thématique ESG. Considéran­t que chaque fonds, aujourd’hui, doit s’exprimer sur son approche en terme d’ ESG, c’est pour nous une démarche indispensa­ble.

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Silke Bernard, Linklaters
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