Rattraper le temps perdu
Aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’abondance, à l’opulence. Les hommes politiques de tous bords ne cessent de le répéter à toutes les sauces. Les conseils pour «bien passer l’hiver» abondent. La sobriété est de mise. La pandémie rôde, l’interminable guerre en Ukraine reste d’actualité. Nos modes de vies s’en trouvent d’autant plus chamboulés. Notre horizon – énergétique, mais pas que – s’assombrit.
S’il en est un secteur qui semble tirer son épingle du jeu, c’est celui de la Culture. Théâtre, musique, art visuel, littérature, danse, cinéma: tous les genres rivalisent d’ingéniosité pour reconquérir leurs publics perdus. Les vernissages, les premières – toutes disciplines confondues – les concerts reprennent de plus belle. Rattraper le temps perdu: le leitmotiv est sur toutes les lèvres. Déjà durant tout l’été caniculaire, les festivals de musiques à ciel ouvert se sont enchaînés à une cadence endiablée. Le public, majoritairement jeune, en a bu jusqu’à la lie.
Au début d’un automne qui s’annonce alléchant, les grandes et petites institutions culturelles du pays mettent les petits plats dans les grands. Les craintes, les risques, les menaces ne semblent plus être les maîtres mots du moment. Les avides de Culture, avertis ou néophytes, ressentiraient-ils un besoin incessant et presque incontrôlé de consommation effrénée de bien culturels? Tous ceux qui font vivre la scène artistique du pays y croient dur comme fer. Leur enthousiasme à se relever est significatif. Au-delà des belles paroles autour des bienfaits d’assister à un concert ou une pièce de théâtre, d’aller voir une exposition ou un film, l’offre pléthorique qui se dessine à l’horizon est symptomatique.
Alors que Esch2022, Capitale européenne de la Culture, suit inlassablement son bonhomme de chemin, un exemple récent mérite d’être pointé du doigt. La semaine passée, le centre culturel Schungfabrik de Tétange accueillait trois représentations de la comédie musicale «De neie Mineur», projet gigantesque monté par de nombreuses associations locales dans le cadre d’Esch2022. En plus de la qualité du spectacle, un autre constat a surpris. Lors des soirées, le public est venu en masse assister au spectacle en plein air et ce sans hésiter à affronter les caprices d’une météo peu clémente. Ce qui traduit un réel besoin de Culture.
Les mois à venir nous diront si l’exemple de Tétange fera des émules dans les salles de spectacles, espérons-le le plus longtemps possible douillettement chauffées. Le calendrier est touffu, les occasions ne manqueront pas.
Et pourtant, quelques efforts pour une meilleure coordination d’événements restent encore et toujours nécessaires. Le problème est connu, les solutions manquent encore. Trop de vernissages d’expositions, de concerts ou de premières au théâtre se télescopent. Les organisateurs culturels, heureux de renouer avec le passé, ne doivent pas oublier que la présence du public est loin d’être extensible à souhait. Les spectateurs, s’ils veulent éviter une overdose culturelle, devront faire des choix délibérés, mais jamais contraints par des seules questions de calendrier. Pour éviter aussi, que ceux qui font vivre la scène culturelle ne se plaignent par la suite de l’absence de visiteurs.
La pléthore de l'offre culturelle impose des choix.