Un premier réacteur belge débranché
Le gouvernement De Croo n’a toutefois pas renoncé au nucléaire et s'interroge sur la prolongation d'autres réacteurs
Le suspense aura été omniprésent. Mais à 21.31, vendredi soir, le réacteur nucléaire Doel 3 a été débranché de manière définitive après quarante ans d’activité. Doel 3 éteint, la Belgique compte encore six réacteurs, trois en Flandre et trois en Wallonie.
Doel 3 est l’un des deux réacteurs qui, au cours de la décennie précédente, avaient dû être fermés pendant trois ans – l’autre étant Tihange 2. Des «microfissures» avaient été découvertes dans les parois en acier des cuves. Après études et travaux, ils avaient été autorisés à redémarrer.
En dépit de son grand âge et des avaries décrites, ce paquebot nucléaire s’est trouvé des défenseurs jusqu’au bout. A la mi-septembre, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden avait ainsi demandé d’étudier la possibilité du report des travaux préparatoires au démantèlement de Doel 3. Elle expliquait: «En ces temps incertains, nous devons être attentifs à notre approvisionnement énergétique. C'est pourquoi j'ai demandé à l’Agence fédérale de contrôle nucléaire de déterminer si les préparatifs du démantèlement de Doel 3 peuvent être reportés en toute sécurité.»
Mise en application d'une loi votée en 2003
Mais le sauvetage in extremis de Doel 3 n’a pas eu lieu. Avec le démantèlement de ce réacteur, la Belgique met partiellement en application une loi votée en 2003, laquelle prévoit la sortie du nucléaire en 2025, moyennant certaines conditions, dont la sécurité de l'approvisionnement énergétique du pays et une offre en électricité à un prix abordable pour les ménages et les entreprises.
La fermeture de Doel 3 ne signifie toutefois pas que le pays a renoncé au nucléaire. Bien au contraire. La guerre en Ukraine et la crise énergétique qu’elle a engendrée ont sauvé la mise aux deux réacteurs les plus récents – Tihange 3 et Doel 4. Ils sont prolongés jusqu’en 2035. Et ce n’est pas tout. Au sein du gouvernement fédéral du premier ministre Alexander De Croo, la discussion va bon train sur l’opportunité de garder en activité d’autres réacteurs. Un troisième? Cinq réacteurs? Et même tous les réacteurs, propose l’ex-ministre de l’Energie, la libérale Marie-Christine Marghem qui avait pourtant confirmé en 2015 le calendrier complet de sortie du nucléaire.
En pointe sur ce dossier, les libéraux francophones ne cachent pas qu’ils attendent les élections de 2024 pour renvoyer leurs partenaires écologistes dans l’opposition et redonner vigueur au nucléaire. Cette tactique pourrait se révéler payante : après des années de progression, les écolos chutent aujourd’hui dans les sondages. Ils sont clairement victimes de leur opposition au nucléaire. D’autres partis de la coalition Vivaldi d’Alexander De Croo se sont au contraire rangés de manière plus franche ces derniers mois du côté de l’atome… et de l’opposition pronucléaire.
Les Verts sont donc isolés. Mais pour l’instant, ils peuvent porter la mort de Doel 3 en triomphe. Georges Gilkinet, l’un des hommes forts d’Ecolo, déclare ainsi que «le nucléaire est une chimère du passé».
17 à 19 ans et un coût estimé à un milliard d'euros
Ce passé, il faudra du temps pour s’en débarrasser. Sur les berges de l’Escaut, le démantèlement de Doel 3 va en effet prendre entre 17 et 19 ans. Débranchement des câbles, refroidissement des éléments combustibles stockés dans des conteneurs spéciaux voués à être enterrés, décontamination de la centrale… La seule phase d’arrêt durera cinq ans. Puis il faudra découper les parties internes du réacteur, ce qui prendra dix à douze ans. Les bâtiments seront enfin démolis. Dont coût: un milliard d’euros.
La guerre en Ukraine et la crise énergétique qu’elle a engendrée ont sauvé la mise sur deux réacteurs .