Les habits neufs du Rassemblement
Le Front national, devenu Rassemblement, s’est consacré des années durant à «dédiaboliser» son image auprès de l’électorat. Cet exorcisme consista à policer le discours, à assouplir la pose, à se fondre dans une forme de banalité sinon de normalité, mais le processus n’était pas achevé: restait à purger le parti du diable lui-même, c’est fait désormais, avec le retrait de Marine Le Pen laissant la présidence à Jordan Bardella.
La purge fut un théâtre de polichinelle, au cours duquel on vit la diablesse s’assommer de son propre balai et disparaître sous le rideau rouge. Pulcinella partie, on vit surgir une marionnette, Jordan Bardella, dans un costume de chevalier arthurien. Un costume de bonne facture: comme ses pairs en Europe Bardella est paré de toutes les grâces: il est jeune, il porte beau, il a de la vertu qu’il signale par cet air un peu navré du démocrate affirmant que la démocratie exige des sacrifices, qu’il faut concéder à la raison des décisions que le coeur réprouve. Bardella est l’archétype des nouveaux cadres d’extrême droite en Europe: tous présentent ce côté «gendre idéal» qui à table, entre poire et fromage, déclare qu’il n’est pas xénophobe, non, mais que «trop c’est trop».
Bardella va être le champion d’électeurs d’extrême droite nouveaux, mus par la crainte plus que par la haine.
Et la xénophobie donc, et tout ce qu’on place à cette enseigne, tombe avec Bardella dans le domaine de la normalité comme on dit d’une pièce de musique qu’elle tombe dans le domaine public. C’est fatal pour les malheureux qu’on va abandonner entre Bamako et Tripoli, c’est redoutable pour la démocratie et inquiétant pour nous tous, mais l’ironie de l’affaire est qu’il n’est pas sûr que cette normalisation fût dans l’intérêt de ses artisans mêmes, ces Bardella qui se donnent tant de peine pour prouver que l’on peut être à la fois vertueux et cruel, et font passer leur radicalité pour une vaillance de second degré. Car le vote Le Pen était un vote par la négative: lui accorder ses suffrages c’était honnir le «système», l’«establishment», la France. Qui va porter cette hostilité désormais? La question en vérité ne fait plus sens: Bardella va être le champion d’électeurs d’extrême droite nouveaux, mus par la crainte plus que par la haine, des électeurs tels qu’on les trouvait dans le réservoir d’Eric Zemmour, en quoi Bardella va puiser à volonté.
Le Rassemblement dédiabolisé? Disons, surtout, que son électorat est décomplexé, et que Bardella sera le visage de sa désinhibition.
La Belgique travaille depuis plusieurs années à la réforme de son code pénal. Ce projet est en passe d'aboutir. Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne vient de présenter la nouvelle version épaisse de 1.030 pages qui doit remplacer le code actuel, vieux de plus de 150 ans. «Il prend en compte les normes sociétales actuelles et les applique de manière humaine, simple et uniforme», estime le libéral flamand.
Une nouveauté: l'introduction de la notion d'écocide chère à la ministre de l'Environnement Zakia Kattabi. Le 20 mars dernier, à l'échelon des Vingt-Sept cette fois, l'écologiste avait lancé un appel à ses collègues ministres européens pour créer une alliance de pays progressistes en faveur de l'inscription de l’écocide au Statut de Rome.
De 10 à 20 ans de prison pour un... écocide
Selon l'avant-projet, sera qualifiée de crime d'écocide toute infraction consistant à commettre «délibérément» un fait illégal causant des dommages graves, étendus et à long terme à l'environnement. Les peines seront particulièrement lourdes puisqu'elles pourront aller jusqu'à un emprisonnement de 10 à 20 ans.
À cette annonce, les réactions ont varié en sens divers dans le monde politique. Aux vivats écologistes s'oppose le rejet de la N-VA nationaliste flamande (dans l'opposition au fédéral). «L'écocide devient punissable. Quand sera-ce le cas pour le terrorisme climatique? Ces fous du climat viendront-ils aussi manifester le 1er février à la fermeture du réacteur nucléaire Tihange 2? Ou à la construction, par une entreprise d'État chinoise de renom, de la nouvelle centrale électrique à gaz des Awirs? », a commenté Theo Francken, l'ex-secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration.
Dans la majorité cette fois, la même centrale au gaz est pointée par la libérale Marie-Christine Marghem qui taxe les écologistes de vouloir remplacer le nucléaire par une énergie particulièrement polluante en gaz à effet de serre, et cela alors que la Cop 27 bat son plein.
Ces affirmations trouvent leur fondement dans la décision prise autrefois par le gouvernement De Croo de remplacer le nucléaire par le gaz, le temps que le renouvelable
Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a présenté le nouveau code pénal belge.
soit suffisamment en mesure d’approvisionner le pays en électricité. Mais la guerre en Ukraine a rebattu les cartes, la majorité maintenant au moins deux réacteurs nucléaires en activité au-delà de 2025.
Dans un autre registre, la Belgique va prendre la mesure du phénomène «féminicide» en «comptant» les crimes commis contre les femmes au motif qu’elles sont des femmes. Elle instaurera une protection spécifique pour les victimes. L'infraction de féminicide n'est toutefois pas insérée dans le nouveau code pénal. La neutralité du genre dans la loi doit rester la règle. Le féminicide est par ailleurs déjà réprimé via l'article 405quater qui contient une circonstance aggravante pour le meurtre d’une personne en raison de son sexe.
Le nouveau code renforce également les sanctions pour les violences domestiques. Un individu qui tuera son partenaire à la suite de violences intrafamiliales verra son acte pénalement assimilé à un crime du même niveau que le meurtre.
Le retrait de permis de conduire pourra être prononcé pour d'autres raisons que l'infraction routière. La mesure vise notamment les passeurs de drogues et les cambrioleurs qui ont recours à un véhicule.
Le nouveau code pénal, qui offre «une vision scientifiquement étayée, claire et cohérente du droit pénal belge au XXIe siècle» (dixit Vincent Van Quickenborne), doit encore être soumis à l'avis du Conseil d'État, avant d'arriver en 2023 devant le Parlement fédéral.