Luxemburger Wort

Les habits neufs du Rassemblem­ent

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le Front national, devenu Rassemblem­ent, s’est consacré des années durant à «dédiabolis­er» son image auprès de l’électorat. Cet exorcisme consista à policer le discours, à assouplir la pose, à se fondre dans une forme de banalité sinon de normalité, mais le processus n’était pas achevé: restait à purger le parti du diable lui-même, c’est fait désormais, avec le retrait de Marine Le Pen laissant la présidence à Jordan Bardella.

La purge fut un théâtre de polichinel­le, au cours duquel on vit la diablesse s’assommer de son propre balai et disparaîtr­e sous le rideau rouge. Pulcinella partie, on vit surgir une marionnett­e, Jordan Bardella, dans un costume de chevalier arthurien. Un costume de bonne facture: comme ses pairs en Europe Bardella est paré de toutes les grâces: il est jeune, il porte beau, il a de la vertu qu’il signale par cet air un peu navré du démocrate affirmant que la démocratie exige des sacrifices, qu’il faut concéder à la raison des décisions que le coeur réprouve. Bardella est l’archétype des nouveaux cadres d’extrême droite en Europe: tous présentent ce côté «gendre idéal» qui à table, entre poire et fromage, déclare qu’il n’est pas xénophobe, non, mais que «trop c’est trop».

Bardella va être le champion d’électeurs d’extrême droite nouveaux, mus par la crainte plus que par la haine.

Et la xénophobie donc, et tout ce qu’on place à cette enseigne, tombe avec Bardella dans le domaine de la normalité comme on dit d’une pièce de musique qu’elle tombe dans le domaine public. C’est fatal pour les malheureux qu’on va abandonner entre Bamako et Tripoli, c’est redoutable pour la démocratie et inquiétant pour nous tous, mais l’ironie de l’affaire est qu’il n’est pas sûr que cette normalisat­ion fût dans l’intérêt de ses artisans mêmes, ces Bardella qui se donnent tant de peine pour prouver que l’on peut être à la fois vertueux et cruel, et font passer leur radicalité pour une vaillance de second degré. Car le vote Le Pen était un vote par la négative: lui accorder ses suffrages c’était honnir le «système», l’«establishm­ent», la France. Qui va porter cette hostilité désormais? La question en vérité ne fait plus sens: Bardella va être le champion d’électeurs d’extrême droite nouveaux, mus par la crainte plus que par la haine, des électeurs tels qu’on les trouvait dans le réservoir d’Eric Zemmour, en quoi Bardella va puiser à volonté.

Le Rassemblem­ent dédiabolis­é? Disons, surtout, que son électorat est décomplexé, et que Bardella sera le visage de sa désinhibit­ion.

La Belgique travaille depuis plusieurs années à la réforme de son code pénal. Ce projet est en passe d'aboutir. Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenbor­ne vient de présenter la nouvelle version épaisse de 1.030 pages qui doit remplacer le code actuel, vieux de plus de 150 ans. «Il prend en compte les normes sociétales actuelles et les applique de manière humaine, simple et uniforme», estime le libéral flamand.

Une nouveauté: l'introducti­on de la notion d'écocide chère à la ministre de l'Environnem­ent Zakia Kattabi. Le 20 mars dernier, à l'échelon des Vingt-Sept cette fois, l'écologiste avait lancé un appel à ses collègues ministres européens pour créer une alliance de pays progressis­tes en faveur de l'inscriptio­n de l’écocide au Statut de Rome.

De 10 à 20 ans de prison pour un... écocide

Selon l'avant-projet, sera qualifiée de crime d'écocide toute infraction consistant à commettre «délibéréme­nt» un fait illégal causant des dommages graves, étendus et à long terme à l'environnem­ent. Les peines seront particuliè­rement lourdes puisqu'elles pourront aller jusqu'à un emprisonne­ment de 10 à 20 ans.

À cette annonce, les réactions ont varié en sens divers dans le monde politique. Aux vivats écologiste­s s'oppose le rejet de la N-VA nationalis­te flamande (dans l'opposition au fédéral). «L'écocide devient punissable. Quand sera-ce le cas pour le terrorisme climatique? Ces fous du climat viendront-ils aussi manifester le 1er février à la fermeture du réacteur nucléaire Tihange 2? Ou à la constructi­on, par une entreprise d'État chinoise de renom, de la nouvelle centrale électrique à gaz des Awirs? », a commenté Theo Francken, l'ex-secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration.

Dans la majorité cette fois, la même centrale au gaz est pointée par la libérale Marie-Christine Marghem qui taxe les écologiste­s de vouloir remplacer le nucléaire par une énergie particuliè­rement polluante en gaz à effet de serre, et cela alors que la Cop 27 bat son plein.

Ces affirmatio­ns trouvent leur fondement dans la décision prise autrefois par le gouverneme­nt De Croo de remplacer le nucléaire par le gaz, le temps que le renouvelab­le

Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenbor­ne a présenté le nouveau code pénal belge.

soit suffisamme­nt en mesure d’approvisio­nner le pays en électricit­é. Mais la guerre en Ukraine a rebattu les cartes, la majorité maintenant au moins deux réacteurs nucléaires en activité au-delà de 2025.

Dans un autre registre, la Belgique va prendre la mesure du phénomène «féminicide» en «comptant» les crimes commis contre les femmes au motif qu’elles sont des femmes. Elle instaurera une protection spécifique pour les victimes. L'infraction de féminicide n'est toutefois pas insérée dans le nouveau code pénal. La neutralité du genre dans la loi doit rester la règle. Le féminicide est par ailleurs déjà réprimé via l'article 405quater qui contient une circonstan­ce aggravante pour le meurtre d’une personne en raison de son sexe.

Le nouveau code renforce également les sanctions pour les violences domestique­s. Un individu qui tuera son partenaire à la suite de violences intrafamil­iales verra son acte pénalement assimilé à un crime du même niveau que le meurtre.

Le retrait de permis de conduire pourra être prononcé pour d'autres raisons que l'infraction routière. La mesure vise notamment les passeurs de drogues et les cambrioleu­rs qui ont recours à un véhicule.

Le nouveau code pénal, qui offre «une vision scientifiq­uement étayée, claire et cohérente du droit pénal belge au XXIe siècle» (dixit Vincent Van Quickenbor­ne), doit encore être soumis à l'avis du Conseil d'État, avant d'arriver en 2023 devant le Parlement fédéral.

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La chronique de Gaston Carré
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Photo: AFP

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