Luxemburger Wort

L'Etat belge trouve un accord pour prolonger le nucléaire

L’accord encadre la rénovation et le redémarrag­e de deux réacteurs à la fin 2026, en dépit d'une décision ancienne d'en finir avec l'atome

- Par Max Helleff (Bruxelles)

L'Etat belge et l'énergétici­en français Engie ont conclu lundi un accord qui établit les modalités du prolongeme­nt de l'activité de deux réacteurs, à savoir Doel 4 (Anvers) et Tihange 3 (Huy). Le texte met ainsi fin à plusieurs années d'incertitud­e quant à l'approvisio­nnement en électricit­é du pays au-delà de 2025, date à laquelle l'atome aurait dû être complèteme­nt abandonné. Mais il ne règle pas tout.

L'accord fixe les contours de la création d'une structure juridique dédiée aux deux unités nucléaires, détenue à parité par l'État belge et par le groupe français. Il fixe également un plafonneme­nt des coûts futurs liés au traitement des déchets issus de l'activité nucléaire, rassurant ainsi Engie qui voyait la facture grimper à chaque révision.

Garder la main sur sa destinée énergétiqu­e

La Belgique peut pousser un «ouf» de soulagemen­t, car la prolongati­on des réacteurs concernés se concrétise grâce à cet accord. Au cas contraire, elle aurait dû s'en remettre plus largement à des fournisseu­rs étrangers pour son approvisio­nnement en électricit­é. Maintenir deux réacteurs en activité pour dix années supplément­aires lui permet de garder – au moins partiellem­ent – la main sur sa destinée énergétiqu­e.

Mais il s'en est fallu de peu. En février dernier, il était encore question d'abandonner complèteme­nt l'atome en 2025. La guerre en Ukraine et la crise énergétiqu­e ont montré à quel point il pouvait être dangereux de dépendre du gaz russe, cette énergie étant censée pallier la production nationale d'électricit­é une fois les centrales nucléaires fermées. Le gouverneme­nt De Croo n'a plus eu qu'à rétropédal­er, arrachant non sans peine aux écologiste­s la prolongati­on de deux réacteurs.

Restait à convaincre Engie. A la fin 2020, l'énergétici­en français qui exploite les centrales belges avait fait clairement comprendre au gouverneme­nt qu'il ne fallait plus compter sur lui. A l'entendre, il était trop tard pour procéder aux investisse­ments et aux travaux nécessaire­s à la prolongati­on des réacteurs.

Depuis l'été dernier, les deux parties ont donc négocié ferme pour rattraper le temps perdu. L'accord obtenu stipule qu'Engie mettra «tout en oeuvre» pour redémarrer les deux réacteurs le premier novembre 2026. Si rien ne change, les cinq autres réacteurs que compte le pays auront été définitive­ment fermés à cette date. Si rien ne change, répétons-le … Car plusieurs partis – le Mouvement réformateu­r libéral francophon­e en tête – ont fait valoir au cours des derniers mois que le maintien en activité de deux réacteurs ne suffirait pas à l'approvisio­nnement en électricit­é du pays.

Pour l'heure, le Premier ministre belge Alexander De Croo se veut rassurant. «Grâce à cet accord, Engie peut commencer immédiatem­ent à demander les permis et études nécessaire­s à la prolongati­on.» L'accord prévoit qu'Engie et l'Etat belge géreront ensemble les réacteurs. Ce dernier récupère par la même occasion une partie de la

Politiquem­ent, c'est une victoire pour les pronucléai­res.

capacité de décision centrée jusqu'ici sur la France. Le texte prévoit aussi une clé de calcul de la facture liée aux déchets nucléaires. Elle sera partagée entre Engie et l'Etat, sans que l'on sache à quelle hauteur. On n'en sait pas davantage sur la manière dont la Belgique va gérer à l'avenir ses déchets.

Politiquem­ent, c'est une victoire pour les pronucléai­res. Les écologiste­s expliquent pour leur part que la situation internatio­nale et les risques qu'elle fait peser sur le pays exigeaient une solution forte. Mais personne n'est dupe: pour les Verts, la défaite est cinglante même s'ils ont pu montrer qu'ils pouvaient gouverner tout en laissant leurs dogmes de côté.

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Photo: Archives LW Maintenir deux réacteurs en activité pour dix années supplément­aires permet de garder la main sur sa destinée énergétiqu­e.

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