Faire reposer tout sur la femme, c’est l’asservir encore plus
Rappeller aux hommes leurs responsabilités en matière de contraception
Dans une lettre à la rédaction publiée dans le «Luxemburger Wort» du 31 décembre, M. Jean Schiltz se moque de mon idée de reconnaître légalement le droit fondamental qu’a toute femme de ne pas être mise enceinte contre son gré par un homme et estime que la reconnaissance d’un droit fondamental à avorter doit être reconnu.
M. Schiltz, en d’autres mots, ne veut donc pas que les femmes disposent d’un moyen d’action légal qui leur permettrait d’agir contre des hommes qui n’accordent aucune importance à la contraception, moyen d’action qui aurait, je pense, un caractère dissuasif et ferait en sorte qu’avant d’avoir un rapport sexuel, les hommes y réfléchiraient à deux fois et prendraient leurs précautions. Qu’on discute sur la forme à donner à un tel droit, je le veux bien, mais qu’on en rejette l’idée, qui plus est sur un ton de moquerie plutôt qu’en se servant d’arguments juridiques ou philosophiques, est affligeant et montre qu’aujourd’hui encore, beaucoup d’hommes ne savent pas ce que c’est que de subir une grossesse non voulue, fût-ce dans le cadre d’un rapport sexuel consenti.
Et lorsque Monsieur Schiltz nous fait croire que par la reconnaissance d’un droit fondamental à l’avortement une sorte d’égalité serait rétablie entre hommes et femmes, il se moque de nous. Car d’une part, ce sera toujours la femme qui tombera enceinte, et d’autre part, ce sera toujours la femme qui sera seule placée devant la décision d’avorter. Dans les deux cas, l’homme qui a mis la femme enceinte est tranquille et ne risque rien.
Faire reposer tout uniquement sur la femme, c’est non pas la libérer, mais l’asservir encore plus à l’ordre patriarcal, c’est refuser une solution dont le but est d’éviter que de nombreuses femmes se trouvent placées devant le dilemme «Avorter ou ne pas avorter». La vraie libération de la femme en matière de sexualité aura lieu le jour où les hommes reconnaîtront que mettre enceinte une femme contre son gré en ne se soumettant pas à une obligation de recours à des moyens contraceptifs constitue un manque de respect flagrant vis-à-vis de cette femme. La reconnaissance d’un droit fondamental de chaque femme à ne pas être mise enceinte contre son gré attaquerait dans ses fondements-mêmes l’ordre patriarcal et rappellerait de manière impérative aux hommes leurs responsabilités en matière de contraception.
Et lorsque M. Schiltz se gausse de mon affirmation que l’embryon ne fait pas partie du corps de la femme, je le renvoie au plus élémentaire traité de biologie qui lui apprendra que le patrimoine génétique de l’embryon n’est qu’à 50 % identique à celui de la femme, de sorte que l’embryon est bel et bien un corps étranger au corps de la femme, contrairement au coeur, au foie ... de la femme. En disposant de l’embryon, la femme ne dispose pas de son corps, mais d’un corps étranger. Je veux bien qu’on discute du statut ontologique et moral de ce corps, mais refuser d’y voir un corps autre que le corps de la femme, c’est nier les faits.
Norbert Campagna, Serrouville
Ceci est une réaction à la lettre à la rédaction «Variations sur un thème» parue le 31 décembre 2022, qui était ellemême déjà une réaction à l’article Analyse & Meinung «L’avortement et la Charte européenne des droits fondamentaux» du 17 décembre 2022.