La politique de la vulgarité
Mardi 7 mars, Eric Dupond-Moretti fait un bras d’honneur à un contradicteur. C’est un geste pour tribunes de stade, que font les brutes et les supporters avinés, mais Dupond est ministre de la Justice, ministre de la République française, et c’est à l’Assemblée nationale qu’il le commet.
Ce même mardi 7 mars, Myriam Cecchetti fait un doigt d’honneur à Dan Kersch. C’est un geste pour soirées arrosées, que font les potaches en goguette, mais Myriam Cecchetti est députée, députée au Grand-Duché, et c’est à la Chambre qu’elle le commet.
On dira que l’outrance, quand elle émane d’une opposition de gauche, procède d’un tropisme normatif: ses codes de conduite prônent la virulence, qui génère l’insolence, qui à son tour mène à une forme de grossièreté. Mais le bras d’honneur de Dupond-Moretti montre que la vulgarité peut sévir à droite aussi, dans les bancs même de ceux qui sont assis au pouvoir.
La politique perd sa dignité d’abord, sa crédibilité ensuite.
C’est que la vulgarité n’est pas un geste politique, elle est une pathologie sociétale, dont la culture même, au cinéma ou en littérature, sur les écrans et sur les réseaux, assure la promotion avec délectation.
Une culture de la désinvolture assumée, de l’irrévérence crasse, qui tient pour naturels les bruits d’auge dans les travées des institutions, qui tient pour normal que l’on se comporte à l’Assemblée, à la Chambre, devant le peuple en somme, comme on se comporte au stade ou au bistro.
A l’intention de ceux qui trouveraient cela drôle on pourrait proposer une drôlerie en bonus, en soulignant que Myriam Cecchetti, à la veille de la Journée internationale des Femmes, aura montré que le sexe dit faible peut faire fort lui aussi en matière d’obscénité – la parité par le bas, si l’on ose dire. Mais ce n’est pas drôle. C’est pathétique au contraire, et c’est calamiteux, ces bras qui se plient et ces doigts qui se dressent, car ils sont la gestuelle d’une politique qui se délite, se saborde aux yeux d’électeurs qui élisent de moins en moins.
Pourquoi tant d’électeurs boudent-ils les urnes? Par désinvolture pourrait-on dire – ce serait une frivolité en réponse à une autre frivolité. Mais si la frivolité des élus relève de l’inconséquence, celle des électeurs par contre a sa cause: la politique a perdu sa crédibilité disent-ils, les réfractaires aux urnes, ignorant ce disant que c’est sa dignité d’abord que la politique perd, et que son discrédit n’est qu’un effet secondaire de cette perte première.