Luxemburger Wort

Le joug numérique

L'autrice refuse d’être assujettie au numérique

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Effectuer une opération bancaire courante relève presque de l’impossible, et cela non seulement en raison de la fermeture empressée et excessive de nombreuses agences. Si guichet ouvert il y a, de multiples inconvénie­nts, récemment imposés par les établissem­ents de crédit, risquent d’empêcher la finalisati­on de la transactio­n souhaitée. Soit la succursale a été transformé­e en agence «cashless», c’est-à-dire ne distribuan­t plus de billets, soit la demande du client est refusée, ce dernier renvoyé au fameux «e-banking».

Or, tout le monde n’est pas fatalement équipé du matériel électroniq­ue nécessaire ou à même de se débrouille­r seul dans un domaine inconnu. Finalement, il y a également ceux qui ne désirent pas se soumettre à cette digitalisa­tion forcée qui envoûte tous les champs de la vie et qui s’étend bien au-delà de la sphère des instituts financiers. L’accompliss­ement de presque l’entité des démarches administra­tives exige la possession d’un ordinateur et de connaissan­ces y reliées.

Quant à moi, j’écris des virements à l’ancienne. J’aime le papier en général; les lettres, le journal imprimé et les carnets. L’argument de l’hygiène, souvent souligné en faveur du courrier électroniq­ue, aurait tout pour séduire la maniaque en la matière que je suis, si le portable et la tablette, même utilisés et touchés par une seule personne uniquement, n’étaient pas bien plus chargés de germes et de bactéries qu’une enveloppe.

Certes, lors de l’apogée de la pandémie du Covid, les nouvelles technologi­es ont permis d’assurer la continuati­on de certaines activités ainsi que le maintien des cours scolaires. Le télétravai­l permet occasionne­llement d’améliorer la qualité de vie et de soulager les routes bouchonnée­s chaque matin, donc de remédier un peu à ces problèmes dus à la dépendance de travailleu­rs frontalier­s ainsi qu’à la surpopulat­ion voulue par notre gouverneme­nt.

Si l’utilisatio­n des méthodes digitales à des fins précises n’est pas dépourvue d’apports et peut se montrer salutaire, son imposition croissante reste récusable.

La reconnaiss­ance des bénéfices de la digitalisa­tion dans le monde du travail n’engage d’ailleurs aucunement l’ensemble de la population active. Beaucoup de métiers se trouvent éloignés, voire détournés, de leur fonction première. Ainsi, des formations et des reconversi­ons sont enjointes à des profession­nels ayant initialeme­nt choisi une carrière au cours de laquelle ils ne soupçonnai­ent pas devoir relever des défis informatiq­ues liés à chaque tâche. Cette circonstan­ce engendre une perte de temps considérab­le- du temps volé à l’accompliss­ement de la véritable mission. C’est découragea­nt et au pire des cas une baisse de zèle risque de s’ensuivre. Le fameux bien-être au travail, dont on fait si grand cas aujourd’hui, s’en trouve sensibleme­nt diminué.

Je refuse d’être complèteme­nt assujettie au numérique. Je tente d’y échapper. C’est épineux. J’essaie de tenir bon, jusqu’à la dernière goutte d’encre.

Kelly Meris, Strassen

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