La boîte de Pandore
Emmanuel Macron, en laissant accroire qu’il invoquait une intervention directe de l’Europe en Ukraine, a ouvert une boîte de Pandore dont jaillissent quelques questions qu’il est urgent de traiter.
Ainsi peut-on, comme l’a fait Steve Bissen dans son éditorial de vendredi, se demander si le tumulte provoqué par le président français ne vise pas, somme toute, à occulter le fait que la France n’a pas tenu toutes ses promesses, loin s’en faut, en matière de livraisons matérielles à l’Ukraine. Et dénoncer dès lors la tartufferie d’un président qui, lors de la réunion qu’il avait convoquée lundi, posa en chef de guerre devant une classe européenne dont il n’était pas l’élève le plus méritant.
On peut aussi, boîte de Pandore grande ouverte, se demander si cette question-là n’en recouvre pas d’autres, une question foncière d’abord, en surplomb de toutes, de savoir si l’Europe peut persister dans une politique de la guerre en sous-main, en sous-traitance, dans une politique de grand équipementier qui infléchirait le cours de la guerre sans jamais la faire. Questions corrélaires: cette approche-là est-elle techniquement suffisante, quand on sait que la Russie en matière d’armement est en tête, face à une Europe qui depuis longtemps n’est plus en mesure de répondre aux besoins d’un conflit de haute intensité? Cette approche est-elle viable dans son principe, sachant qu’une simple erreur de tir peut, à tout moment, faire basculer l’Europe d’un engagement «virtuel» dans un engagement effectif? Cette approche est-elle éthiquement satisfaisante, peut-on considérer que l’Europe défend bel et bien l’Ukraine par le pourvoi d’un matériel de guerre dont elle s’abstient pour sa part d’actionner les commandes?
On peut concevoir une approche médiane, qui pourrait concilier les points de vue divergents. On peut considérer qu’il faut équiper l’Ukraine, encore et toujours, dans toute la mesure du possible. Mais alors la France doit donner davantage, et l’Allemagne fournir ses missiles Taurus. Et, parallèlement, prendre le risque de dépêcher en territoire ukrainien les «techniciens» susceptibles d’encadrer la formation à ces engins et, en dernière instance, d’en accompagner l’utilisation.
Pour ambigus qu’aient été ses propos, et Macron a délibérément voulu cette ambiguïté, c’est cela sans doute qu’il aura suggéré: non pas une avancée frontale mais une implication majorée, selon une «dynamique» qui n’excluerait plus, en effet, une participation au plus près du terrain.
: Macron a délibérément voulu cette ambiguïté.