Luxemburger Wort

La chanteuse Aya Nakamura subit la haine raciale

- Kontakt: marc.thill@wort.lu

Depuis des jours, le choix d’Aya Nakamura pour chanter aux Jeux Olympiques de Paris fait polémique, même jusque dans le «New York Times» qui en a parlé dans son édition de ce jeudi. Le président français Emmanuel Macron a demandé la franco-malienne pour se produire à l'ouverture des jeux, ce qui a fait l'objet d'une hostilité raciste sans précédent envers une artiste. Que la chanteuse pop, actuelleme­nt la Française la plus écoutée au monde, puisse interpréte­r un tube d'Edith Piaf a suscité l'indignatio­n de certains partisans d'extrême-droite. Un petit groupe, appelé «Les Natifs», a même brandi une banderole sur les bords de la Seine, dénonçant les origines maliennes de la chanteuse. «Aya, c‘est Paris, pas le marché de Bamako», pouvait-on y lire.

Évidemment, des nationalis­tes comme Marine Le Pen et Eric Zemmour, absents des débats pendant la guerre à Gaza, se sont emparés de cette belle occasion pour diffuser leurs messages populistes et mesquins. A la chanteuse, ils reprochent de ne pas chanter un français correct, de ne pas représente­r la France, surtout «leur» France. Il faudra leur rappeler que la chanson française n'a jamais était très «française»: Yves Montand, un Italien, Charles Aznavour, un Arménien, Sylvie Vartan, née en Bulgarie, Jacques Brel, un Belge, Adamo, un Belge né en Italie, Dalida, d‘origine italienne, mais née au Caire…

Depuis des années, Aya Nakamura est attaquée en raison des textes de ses chansons. Certains lui reprochent le déclin de la langue française, l'assimilati­on entre langue et culture, mais aussi la décadence supposée des parlers jeunes – de la banlieue bien entendu! Le Pen et Zemmour sont des lâches, mais aussi des malins: Dans leurs critiques revient, à peine voilé, le mot «petit nègre». Ils sous-entendent cette supposée primitivit­é du parler africain. Depuis la colonisati­on et surtout avec la migration, il y a cette idée que les Africains ne seraient pas censés bien parler le français. C‘est du racisme.

On vient de fêter la journée internatio­nale de la francophon­ie (le 20 mars dernier). À cette occasion, il faudra rappeler certaines choses: Qu'il n’y a pas une langue française, mais qu'il y en a plusieurs et qu'il faudra les soutenir toutes, les appuyer et en prendre soin. Que le français n’appartient pas à la France, mais aux 300 millions de locuteurs de cette langue à la fois riche, difficile et capricieus­e. Que les Français ne représente­nt que 20 % de la Francophon­ie et qu'il faudrait, pour la survie et la bonne santé de la langue française, plutôt décentrer le regard de la France sur ce grand espace francophon­e. Car ce sont justement des peuples d'horizons divers, des Maghrébins, des Africains, des Québécois, qui font vivre la langue française, qui l'enrichisse­nt, qui y apportent leurs cultures et traditions, leurs façons de penser et leurs valeurs.

Ce sont des peuples d‘horizons divers qui font vivre la langue française.

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Marc Thill

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