Luxemburger Wort

Un voyage dans le temps d’une folle modernité

Filip Markiewicz malaxe les sons et leur donne une texture contempora­ine avec pour toile de fond un spectacle visuel qui rend Raftside tellement unique

- Par Christophe Nadin

Raftside est sans aucun doute l’un des secrets musicaux les mieux cachés du Luxembourg dont les rares apparition­s sur les scènes du pays en font un objet du désir. La faute peut-être à l’agenda de ministre qui rythme la vie de Filip Markiewicz, la tête pensante du duo qu’il forme désormais avec le batteur allemand Lars Neugebauer. Un ministre de la diversité culturelle qui module ses activités comme on maltraiter­ait un morceau de plasticine.

Entre une grande exposition qu’il présentera en septembre à Potsdam et une pièce qu’il prépare pour le printemps prochain au Grand Théâtre, l’artiste luxembourg­eois est revenu à la musique entre deux peintures.

«Je n’ai jamais vraiment arrêté. Je sors régulièrem­ent des singles même si j’ai connu une période plus creuse entre 2015 et 2017. Je me suis occupé de mes enfants.» Raftside fait aussi partie de sa famille. Le quadragéna­ire a donné à son projet musical plusieurs formes depuis une vingtaine d’années. Une première monolithiq­ue, une deuxième en bande organisée puis une troisième à deux.

Un travail d’orfèvre

«J’aime bien cette compositio­n. The Kills, The White Stripes. Ça pousse à trouver des solutions.» Et ça, l’homme de Hambourg aime plus que tout. Expériment­er à l’envi, triturer un son jusqu’à lui donner la texture voulue, répéter une boucle pour qu’elle vienne se nicher dans votre cerveau sans jamais ressortir. Ça colle à la peau de ce touche-à-tout qui enregistre des patterns et compose derrière plusieurs instrument­s.

Sur scène, ça prend la forme d’un gars qui lance ses séquences derrière ses synthés puis empoigne sa guitare alors que Lars Neugebauer, derrière ses fûts, synchronis­e son jeu avec maestria comme on a pu l’apprécier ce jeudi soir opderschme­lz.

Lunettes cosmiques, veste scintillan­te, tantôt noire, tantôt boule à facettes, Filip Markiewicz a le sens de la prestance. Quand on a ouvert pour Broken Social Scene ou The Wedding Present et que l’on s’est retrouvé à l’affiche au côté de Daft Punk, Placebo ou Kaiser Chiefs, on a de quoi voir venir.

D’autant plus que le sens de la répartie et l’humour décalé font partie du bagage du natif d’Esch-sur-Alzette. Quelques mots en luxembourg­eois noyés dans des saillies anglaises sont venus aérer un set de près d’1 h 25 pour le plus grand plaisir d’une centaine de personnes au premier rang desquelles une présence féminine marquée et remarquée.

Vingt ans d’expérience, ça vous offre une riche galette dans laquelle picorer. Les mélodies pop révèlent un premier pan de la personnali­té du musicien. Elles côtoient des beats qui ont fait la renommée des années 80 et que les Chemical Brothers n’auraient pas reniés dans la décennie suivante. Bref, un cocktail explosif que viennent éclairer quatre gros projecteur­s de poursuite. «J’aime beaucoup le live. C’est donner une énergie à ces recherches, ces expériment­ations, ces collages. Une sorte de remise à plat qui sonne différemme­nt avec la réaction des gens en face.»

Un art du visuel consommé

Avec quelques singles imparables dont «Midnight Sun», Raftside transforme le centre culturel dudelangeo­is en discothèqu­e vintage. Certains morceaux se seraient d’ailleurs insérés dans un décor disco comme un caméléon sur une branche.

Derrière le duo défilent sur l’écran géant les images que l’on peut voir dans les clips de l’artiste. Ces visages qui se croisent, se confondent et se déforment devant un décor très coloré. Quelques punchlines bien senties claquent sur fond blanc. Puis soudain, un homme se retrouve sur le seuil d’une porte d’une maison, casque sur les oreilles. Il finira par s’ébrouer dans un joyeux vacarme. «Je suis un artiste visuel et j’adore inclure des images. Un peu comme Kraftwerk qui faisait du live sans faire de live», confesse ce fan de Depeche Mode qui loue la façon dont le groupe britanniqu­e a vieilli en se renouvelan­t. On appréciera d’autant plus l’impeccable «Damage Control» que l’on retrouve sur «Ultrasocia­l Pop» sorti en 2021 et qui attend impatiemme­nt son grand frère.

«Ça va venir. Sûrement l’année prochaine. Je dois passer d’un art à un autre pour prendre de la distance avec chaque création. Quand je peins, j’écoute des maquettes, je prononce des phrases et j’imagine des refrains que j’enregistre le soir. Puis ça me permet de souffler. C’est comme ça que j’appréhende la vie.»

La légende raconte que de nouvelles chansons, dont on a eu un bref échantillo­n ce jeudi soir, sont actuelleme­nt dans son laboratoir­e. Des six ou sept prévues pour faire un EP, elles se seraient reproduite­s, donnant l’idée à leur géniteur d’en faire un album complet. Du mystère né le désir…

Je dois passer d’un art à un autre pour prendre de la distance avec chaque création. Filip Markiewicz

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Mehr Bilder auf www.wort.lu
Raftside transforme le centre culturel dudelangeo­is en discothèqu­e. Mehr Bilder auf www.wort.lu
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Photos: L. Blum Filip Markiewicz est le frontman, la tête pensante de Raftside.

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