Luxemburger Wort

Prise de position sur les présupposé­s reprochés à Bernard-Henri Lévy

Réaction à «La chronique de Gaston Carré» du 27 avril 2024, intitulée «Bernard-Henri Lévy et le principe de causalité»

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Soit dit d’entrée: Je n’ai pas lu le «grand livre» de Bernard-Henri Lévy relatif à ce qui s’est passé le 7 octobre. Je me permets toutefois de prendre position sur les présupposé­s que lui reproche Gaston Carré dans sa chronique du 27 avril 2024.

Premier reproche: le 7 octobre n’est pas un «événement», il a une histoire, possède une filiation.

Selon Gaston Carré, le 7 octobre serait la conséquenc­e «logique» d’une politique de spoliation, de conquête et d’oppression menée par l’Etat d’Israël depuis sa fondation en 1948. Les atrocités perpétrées par les terroriste­s ce jour-là ne seraient que «le produit» d’une chaîne de causalités antécédent­es.

Certes, a posteriori, à juger les choses à partir de ce qu’elles sont devenues, il peut apparaître qu’elles se sont enchaînées inexorable­ment pour aboutir à «ça»: des actes d’une cruauté sans nom, frappant indistinct­ement hommes, femmes et enfants.

Cependant, une telle vue de l’histoire oublie que les événements qui la constituen­t ne surgissent pas ex nihilo, comme le reconnaît d’ailleurs Gaston Carré, mais sont à leur tour le fruit de prises de décision proprement humaines, inspirées, comme dans le cas présent, par la haine ancestrale d’un peuple «dominateur», par une idéologie qui vise «expressis verbis» la destructio­n d’Israël et l’instaurati­on d’un Etat islamique. Deuxième reproche: les hommes, femmes et enfants massacrés ne l’ont pas été «pour la seule raison qu’ils étaient juifs».

Selon Gaston Carré, les victimes des massacres du 7 octobre étaient des innocents, mais ces innocents étaient tués «pour ce qu’au regard de leurs bourreaux ils représenta­ient, non pour ce qu’ils étaient».

On peut effectivem­ent se demander si ces jeunes Gazaouis, ces jeunes tueurs, «savaient bien ce qu’est un juif». C’est qu’ils ne se préoccupai­ent même pas de le savoir, ayant subi un endoctrine­ment les préparant à tuer sans merci le représenta­nt d’une puissance haïe, juive, en l’occurrence.

«Affirmer, comme l’écrit Gaston Carré, que les victimes du 7 octobre furent victimes parce qu’elles étaient juives, c’est exciter l’antisémiti­sme débile…». Que l’antisémiti­sme soit débile?

Oui, bien sûr! Mais qu’un juif, en l’occurrence Bernard-Henri Lévy, puisse exciter l’antisémiti­sme en déclarant que les victimes du 7 octobre étaient ciblées parce que juives, n’est-ce pas confondre victimes et bourreaux? N’est-ce pas rendre les juifs eux-mêmes responsabl­es de l’antisémiti­sme qui, à nouveau, sévit en Europe?

Je me permets de signaler, en conclusion, le fait suivant: parmi les otages enlevés du kibboutz Nir Oz, le 7 octobre, il y avait Yocheved Lifshitz, âgée de 85 ans, et son mari, tous deux des militants pacifistes de longue date, ayant conduit, pendant des années, des habitants de Gaza malades dans des hôpitaux en Israël pour qu’ils y reçoivent des soins médicaux. A sa libération le 23 octobre, elle serre la main de son ravisseur du Hamas et lui fait ses adieux.

Un fait tel que celui-là laisse espérer que la reconnaiss­ance d’une commune humanité aux membres des deux camps adverses permettra de résoudre le conflit entre Israéliens et Palestinie­ns, et cela, quels que soient des déterminis­mes historique­s. Robert Altmann,

Echternach

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