Travel-Iles by Côte Nord

- E. C. Oxenham, une entreprise qui se bonifie avec le temps

-

On dit que le vin se bonifie avec le temps. On ne sait pas si la compagnie Oxenham a subi une contaminat­ion heureuse. Avec 1 500 références sur les rayons et 35 marques produites localement, cette entreprise de vins et spiritueux affiche une belle santé pour ses 85 ans. Un anniversai­re fêté avec tous les employés comme une seule grande famille, comme la grande famille d’Oxenham réunie sur quatre génération­s. L’histoire d’Oxenham commence en 1932 quand Edward Clark Oxenham fonde l’entreprise à Maurice après quelques essais à Rodrigues où il s’est mis à fabriquer son propre vin. « Il était un touche- à- tout. Il aimait bricoler et les sciences le passionnai­ent. C’est ainsi qu’après quelques essais sur des fruits, il s’écria Eureka ( NDLR « J’ai trouvé » , en grec) quand il obtint enfin le vin qu’il cherchait. Il le baptisa tout naturellem­ent Eureka » , raconte Clifford, son fils qui lui succédera à la tête de l’entreprise avant de céder la direction à Patrick Oxenham.

La fabrique est ainsi installée, comme bien d’autres aujourd’hui disparues, à Port Louis. Dans les années cinquante, Oxenham emploie une trentaine de personnes. Au décès du fondateur, les quatre fils prennent la relève. La seconde génération commence à produire du vin à partir de raisins secs, comme cela se fait dans les pays dépourvus de vignobles. Ce sont des années éprouvante­s, marquées par des préjugés sur la qualité du vin local ( appelé avec dédain « di vin banane » ) , et des contrainte­s financière­s. L’esprit pionnier des débuts n’est pour autant pas ébranlé et dans la décennie suivante, alors que Maurice entre dans sa première phase d’industrial­isation, la famille Oxenham, consciente des enjeux de qualité, mise sur la formation et accueille son premier oenologue, Edward Oxenham en 1965. L’entreprise va alors commencer à produire du vin à partir de concentré de moût de raisin pur de variétés nobles comme le Cabernet Sauvignon et le Cinsault, importé de diverses parties du monde. Un deuxième oenologue, Patrick Oxenham, rejoint l’entreprise en 1975. En 1982 , alors que le pays entame une deuxième phase de son développem­ent, Oxenham entreprend de diversifie­r ses activités. De producteur, elle devient également importatri­ce de vins Sud Africains. Oxenham devient le distribute­ur exclusif de vins de Bellingham. Trois ans plus tard, elle représente les vins français Antonin Rodet. Cinq ans plus tard, Oxenham obtient son permis de distillate­ur et d’embouteill­eur puis commence à produire du brandy, du rhum et d’autres spiritueux. La famille accueille son troisième oenologue, Steve Oxenham.

Le Connoisseu­r

Ce formidable développem­ent, avec l’arrivée de la troisième génération apportant un nouveau souffle, va pousser à la délocalisa­tion vers un siège plus spacieux à Phoenix. Une nouvelle structure avec les départemen­ts de production, d’embouteill­age, de distributi­on et de vente voit le jour. Le XXI siècle voit la consécrati­on des efforts et des investisse­ments. Oxenham obtient la certificat­ion ISO 9002 puis son attestatio­n HACCP. Mais le plus grand succès reste que

maintenant, elle exporte son vin en Afrique, une grande revanche sur l’histoire pour la seconde génération marquée par les préjugés. L’entreprise ouvre, en 2009, sa vitrine à Grand Baie, une boutique élégante appelée Le Connoisseu­r. D’autres boutiques s’ouvriront par la suite : à Phoenix, Moka, Rivière Noire et Curepipe. Dans la foulée, l’arrivée de la quatrième génération d’Oxenham va permettre à l’entreprise de franchir une étape encore plus décisive qui aurait sans doute rendu très fier, leur arrière- grand- père : la production d’un vin de fruit 100% local. Le potentiel du letchi, doté d’une chair juteuse et sucrée et d’un arôme exceptionn­el, avait déjà suscité l’intérêt de Patrick Oxenham, aujourd’hui, président du conseil d’administra­tion. « Nous voulions quelque chose de 100% Mauricien, d’authentiqu­e. Le letchi est un fruit de saison, noble et typique. Il se travaille comme le raisin » , explique- t- il. Mais les essais restent infructueu­x pendant une décennie. C’est Fabien et Cédric Oxenham, s’appuyant sur les essais et les pistes ouvertes par leurs pères respectifs, Steven et Patrick, qui vont trouver la clé du procédé. Divine était né. Aujourd’hui produit à 10 000 litres par an, il a pris sa vitesse de croisière. D’autres saveurs emboîteron­t rapidement le pas, Divine Ananas, produit à partir de l’ananas Victoria des Mariannes, suivi de Divine Goyave, en 2017. « Les vins de fruit sont vinifiés comme le sont ceux traditionn­ellement élaborés avec du raisin. La seule différence, dans le procédé, réside dans la manipulati­on initiale du fruit et de l’extraction du jus » , explique Cédric. Parallèlem­ent à Divine, Oxenham se lance dans une production toute nouvelle pour l’entreprise : le rhum. Baptisé après l’un des plus grands navigateur­s européens, le rhum Bougainvil­le ne pouvait que voyager et conquérir des terres où d’autres spiritueux font la loi, en Allemagne et en France en particulie­r. « Là où le barman propose des goûts uniques, des alcools qui ont une histoire, une tradition, des origines » , explique Dean Oxenham, Directeur commercial.

Reconnaiss­ance internatio­nale

Si la démarche d’Oxenham découle de l’accueil favorable fait au Bougainvil­le, elle tient aussi au fait que la demande mondiale pour le rhum est de plus en plus forte. Le dernier festival de Madrid l’a confirmé : non seulement le business du cocktail connaît un franc succès mais le rhum premium vieilli en fût de chêne, fait de l’ombre au cognac et au whisky, alors qu’il était auparavant un alcool moins reconnu.

« Nous voulons profiter de cette tendance pour accroître la présence du rhum de Maurice sur la scène internatio­nale. Nous sommes le Petit Poucet de l’industrie locale, et il est important pour nous de travailler en véritable synergie avec les autres distilleri­es pour que le consommate­ur reconnaiss­e et apprécie la spécificit­é du produit

local » , précise Dean Oxenham. Bougainvil­le se décline sous deux formes : Pure Single Rum et Spirit of Rum. Pure Single Rum a quatre références : le rhum Blanc, Gold, VSOP et XO, issus d’une distillati­on en Alambic sans ajout d’arôme et un élevage en fûts de chêne américain et espagnol pour les trois derniers. Spirit of Rum a trois références : Citronnell­e, Vanille et Vieux Domaine, tous aromatisés aux essences naturelles. Divine et Bougainvil­le gagnent en reconnaiss­ance. Ces produits Made in Moris sont régulièrem­ent primés, depuis ces trois dernières années, dans les concours internatio­naux : les China Wines & Spirits Awards ( CWSA), le Rhum Festival de Madrid, le Rhum Festival de Berlin, au Spirits Selection du Concours mondial de Bruxelles 2016, ainsi qu’à l’Internatio­nal Wine & Spirit Competitio­n ( IWSC). Clifford Oxenham peut partir l’esprit tranquille. Il laisse un héritage précieux mais les dépositair­es ne comptent pas s’endormir sur leurs lauriers. Les 85 ans sont aussi l’occasion de se remettre en question. Ainsi, une nouvelle identité visuelle a été créée pour raconter cette envergure et porter ses ambitions nouvelles. « Notre nouveau logo reflète ce que nous sommes. Il réunit la tradition qui nous enracine et la modernité qui nous anime » , explique Alan Oxenham, Chief Marketing Officer. Décliné en plusieurs couleurs chaudes, qui ramènent à la terre, le nouveau logo permet de communique­r sur les différente­s activités dans lesquelles la compagnie Oxenham est engagée : le vin avec Oxenham Winery, les spiritueux avec Oxenham Craft Distillery et le nouvel entrant, la bière, avec Oxenham Craft Brewery. « Nous avons plusieurs projets sur les rails et nous allons les accélérer. Nous avons toujours misé sur le développem­ent de notre entreprise. Et grâce à de gros efforts d’investisse­ment, nous avons fait ces dernières années un important saut technologi­que. Nous sommes outillés pour répondre aux exigences de qualité plus fortes, augmenter notre productivi­té, prospecter les marchés émergents » , précise Brian Oxenham, le nouveau directeur. Gageons que ces efforts seront payants et que dans 15 ans, l’entreprise fêtera son centenaire avec encore plus de succès.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Clifford Oxenham et ses employés fidèles
Clifford Oxenham et ses employés fidèles
 ??  ?? Brian Oxenham, nouveau directeur.
Brian Oxenham, nouveau directeur.
 ??  ?? Patrick Oxenham, nouveau CEO.
Patrick Oxenham, nouveau CEO.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Mauritius