L’innovation contre les vents contraires
Les chiffres des arrivées touristiques au premier trimestre de cette année laissent penser que l’industrie devrait garder le cap en 2018. On a enregistré une croissance de 4,9 % pour les trois premiers mois de cette année, soit 356 415 arrivées contre 339 682 pour la même période en 2017. L’Europe reste toujours notre premier marché avec 226 225 visiteurs de janvier à mars (+ 8,3%), avec la France en tête, suivie du Royaume- Uni et de l’Allemagne. De bon augure, mais on devrait néanmoins garder un optimisme mesuré car des nuages commencent à s’amonceler à l’horizon.
A commencer par un des éléments clés de toutes les économies aujourd’hui : le pétrole. La tendance à la hausse notée depuis l’année dernière s’est confirmée et, selon la Banque Mondiale, le prix moyen du baril devrait se situer autour de 65 dollars US jusqu’en 2019. Toutefois, certains médias américains reprenant une analyse faite par la Bank of America ( BoA) se montrent plus pessimistes et estiment que le prix du baril de pétrole brut pourrait atteindre les 100 dollars en 2019. La principale raison de cette augmentation du prix du pétrole, explique- t- on, est le rétrécissement des stocks mondiaux. « Nous voyons une forte possibilité que l’Opep travaille avec la Russie en 2019 pour établir un prix plancher pour le pétrole » , a estimé la BoA. On imagine aisément les effets sur les économies de nos pays émetteurs mais aussi sur les billets d’avion.
Autre fait inquiétant, les tensions géopolitiques nées de la politique débridée du président américain Donald Trump. Après son retrait de l’Accord de Paris sur le climat, il a récidivé coup sur coup au mois de mai, en enlevant les États- Unis de l’Accord sur le nucléaire iranien et en déplaçant l’ambassade américaine d’Israël à Jérusalem, chose qu’aucune diplomatie n’a faite jusqu’ici en raison du caractère sacré de cette ville. Dans le premier cas, la réaction de l’Iran reste soumise à la décision des pays européens signataires de l’accord de le maintenir, au risque de contrarier Washington et de s’exposer à des sanctions commerciales américaines, ou de s’aligner sur la position américaine, ce qui pousserait Téhéran à reprendre son programme nucléaire. Une situation qui aggraverait la tension au Moyen- Orient où le geste de Trump vis- à- vis d’Israël a été vécu comme une provocation et a occasionné des violences faisant quelque 70 morts.
Ces événements, certes loin de nos côtes, laissent flotter comme un air de 2008. Si on ne peut que souhaiter que le bon sens prévale, sans doute est- il mieux de se préparer à toute éventualité. L’industrie touristique et l’économie mauriciennes ont survécu à beaucoup de périodes difficiles jusqu’ici. Cinquante ans après l’Indépendance, les Mauriciens ont un sentiment de légitime fierté pour le chemin accompli. Dans des conditions très difficiles, des hommes et des femmes ont tracé la voie du succès grâce à leur esprit d’innovation et leur persévérance.
Dans ce numéro, nous consacrons un dossier au tourisme sportif qui a connu un coup d’accélérateur un peu grâce à cette crise mondiale. Alors qu’il fallait trouver des moyens pour garder nos visiteurs et en attirer d’autres, Maurice a su surfer sur la vague du binôme tourisme et sport, avec d’autres formules également, pour renouveler l’attrait de la destination et sauvegarder des milliers d’emplois. Aujourd’hui encore, on voit que l’innovation reste au coeur de cette industrie. Ainsi, l’investissement dans le secteur golfique avec des parcours de classe mondiale et un tournoi sanctionné par les trois grands tours, montre que les capitaines de cette industrie ne se reposent pas sur leurs lauriers.
A d’autres niveaux, toujours dans le secteur de l’hôtellerie, on voit des chefs de cuisine et des responsables de différents départements mettre en place des concepts tant en gastronomie, bien- être ou loisirs pour donner aux clients le plus qui les feront revenir et amener de nouveaux visiteurs.
On aimerait souligner le projet que caresse Jocelyn Kwok, CEO de l’Ahrim, de créer des lieux d’intérêts comme Mahébourg, Le Morne et Chamarel qui seraient labellisés. Dans cette même optique, saluons l’initiative de JP Lam qui a entrepris de redonner vie à Chinatown, de booster son économie et de la rendre plus attrayante pour les locaux et les touristes à travers la New Chinatown Foundation,
Enfin, comment ne pas mentionner la formidable aventure d’Alexander Oxenham qui a lancé le tout premier vin 100 % mauricien. Fabriqués à partir des meilleurs litchis du verger de Saint Antoine, les différents crûs n’ont absolument rien à envier aux vins de raisins ; une dégustation à l’aveugle a d’ailleurs bluffé plus d’un.
Gageons que grâce à ces esprits et ces initiatives, la destination Maurice continuera à nager entre les écueils pour longtemps encore.