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- Joshila Dhaby : l’art ne sert pas seulement à embellir un mur terne

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L’événement Moris Dime organisé par Meta- Morphosis dans le cadre des 25 ans de la République et des 50 ans de l’Indépendan­ce est désormais arrivé à terme. Si vous avez croisé le conteneur qui contenait la capsule temporelle, voire si vous y avez laissé un message de votre souhait pour l’île Maurice dans 25 ans, vous aurez remarqué qu’il était richement décoré.

L’auteure est une artiste qui, si elle commence à être connue à Maurice, jouit déjà d’une certaine reconnaiss­ance sur le plan internatio­nal. Joshila Dhaby revient d’une résidence de Copenhague et va repartir à Brixton en juillet. Entretemps, elle est aussi impliquée dans le Moka Art Festival et continue son travail au sein d’une mission diplomatiq­ue. Elle nous a quand même fait l’amitié d’une entrevue malgré son emploi du temps chargé. Joshila s’intéresse toute jeune au dessin et à l’art. Tout naturellem­ent, elle étudie le sujet au collège avec beaucoup de succès, remportant différents concours dont une compétitio­n organisée par les Nations Unies où son travail, une aquarelle sur le thème de la famille, a été exposé à New York. Mais les réalités de la vie profession­nelle mauricienn­e la poussent à faire des études de gestion. Elle commence sa carrière au sein de la fonction publique, avant d’intégrer une mission diplomatiq­ue où elle fait du « protocole advising » depuis maintenant près de neuf ans, sans jamais abandonner le crayon et le pinceau. « La vie d’artiste à Maurice ne me permettant pas, du moins pour le moment, de vivre, je suis bien obligée d’exercer une autre profession. Mon travail au sein de cette mission diplomatiq­ue est très structuré ; il faut rester dans les règles établies. Le travail d’artiste m'aide à sortir de ce cadre. Néanmoins, il y a une inspiratio­n qui vient du cadre formel au niveau des sujets qui sont repris dans les projets artistique­s : femmes, développem­ent durable, famille, jeunesse, éducation etc. J’en parle d’une façon artistique » , explique- t- elle. Joshila se dévoilera au public pour la première fois en 2011 lors d’une exposition au Caudan, « Hidden Stories » , où elle fait un mural sur des femmes aux champs. « Le grand public ne va pas généraleme­nt aux vernissage­s ou dans les exposition­s, d’où l’idée de faire des oeuvres murales » . Alors qu’elle cherchait un autre mur à peindre, est venu le projet Moris Dime en 2016. Approchée par Axel Ruhomaully, concepteur du projet, qui avait vu son travail sur Facebook, elle est chargée de peindre le conteneur qui a circulé à Maurice et à Rodrigues avec la capsule temporelle pour recueillir les souhaits des Mauriciens pour la République en 2043, soit dans 25 ans. « C’était une expérience extraordin­aire et amusante. Il y a eu beaucoup de visites, la capsule temporelle a montré que les gens à Maurice ont différente­s préoccupat­ions selon les régions et l’éducation : la drogue, la pollution, la corruption, l’égalité des chances » . Ce premier grand projet d’ampleur va affirmer son talent comme artiste de rue et la pousser à approfondi­r le sujet sur les sites spécialisé­s comme « I support Street Art » .

C’est là que Joshila sera repérée et invitée en 2017 par Meeting of Styles à Copenhague, après l’appel à contributi­on des artistes, grâce à son dessin représenta­nt une tortue et une jeune fille questionna­nt le développem­ent durable et le climat. Cette première invitation est suivie d’une seconde à Copenhague toujours, pour une résidence d’artistes organisée par Urban City Planners cette année où le thème était l’art dans l’urbanisme ou comment intégrer l’art dans tout projet urbain. Cette fois elle travaille encore sur des thèmes universels comme le rêve d’une petite fille avec la technique de pochoir. Elle a reçu l’aide du gouverneme­nt mauricien qui a payé son billet sous l’Internatio­nal Artist Travel Program. « Cela aide même si on ne veut

pas être assisté » , avoue- t- elle. Prochains voyages, en juillet, grâce à une nouvelle invitation de l’UPFest ( Urban Paint Festival) de Brixton en Angleterre, un projet financé par la communauté locale et le gouverneme­nt central, et en Inde pour un autre projet d’art urbain dont la date n’a pas encore été arrêtée. Entretemps, elle a renoué avec la scène locale à travers le projet Moka Art Festival, organisé par le groupe ENL, qui s’est tenu le 28 avril dernier. Dans toute cette effervesce­nce, Joshila ne change pas son rapport à l’art. « L’art doit provoquer quelque chose, une émotion. L’émotion, si elle existe, est différente selon les personnes. L’art ne sert pas seulement à embellir un mur terne ; ce n’est pas seulement de la couleur pour aller avec les meubles. Cela doit être conceptuel » . Elle regrette néanmoins que la place de l’art à Maurice soit encore marginale. « Il semble que les gens ne trouvent pas le temps de voir et d’essayer de comprendre l’art » . C’est ainsi que quand certaines personnes l’ont vu peindre un mur, la réaction a été la suivante : « bann peint sa ; madam, enan enn miray kot mwa, u kapav fer enn ti desin lor la... » . Elle déplore que les Mauriciens trouvent le temps d’aller dans les centres commerciau­x mais pas dans les exposition­s, les musées. « Il y a quand même un changement qui s’opère dans les nouveaux projets immobilier­s, des smart cities notamment » , déclare- t- elle plus optimiste, en espérant que cela permettra l’éclosion de nouveaux talents.

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