- « Kann » la douloureuse histoire de la canne à sucre
L’histoire de Maurice est indissociable de la canne à sucre. Introduite par les Hollandais, qui en firent essentiellement de l’arack, puis cultivée par les Français pour le sucre, la canne a connu son apogée dans les années 80 avant de céder la place à d’autres secteurs de l’économie. 50 ans après l’Indépendance, "Kann", une exposition tenue du mois de mars à mai au Blue Penny Museum, à Port- Louis, nous a rappelé cette histoire intime du sucre avec les Mauriciens. Marina Carter s’est chargée de la partie historique et littéraire alors que Oomeshwaree ( Deepa) Bauhadoor a apporté sa vision artistique de cette plante au devenir incertain.
À l’aide de lithographies et de photographies, Marina Carter a remonté le temps pour situer l’exploitation de la canne du point de vue économique mais aussi sociale. Une histoire violente par moments car elle traverse des périodes sombres comme l’esclavage et l’engagement. L’historienne rappelle que des écrivains comme Voltaire ou Bernardin de St Pierre dénonçaient déjà les conditions de production du sucre dans les îles. « Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis retrouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » , raconte l’esclave de Surinam dans Candide. Pour sa part Bernardin de St Pierre écrit en 1729 dans Voyage à l’île de France : « Je ne sais pas si le café et le sucre sont nécessaires au Bonheur de l’Europe, mais je sais que ces deux végétaux ont fait le Malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l’Amérique, afin d’avoir une terre pour les planter ; on a dépeuplé l’Afrique, afin d’avoir une nation pour les cultiver » . Plus près de nous en 1981, M. Lemoine, décrivant l’usine dans Sucre Amer, dit que « La Cheminée, extension de l’usine, est le point vertical du champ d’exploitation aussi bien que le signe de haute visibilité de la domination du maître » . Pour sa part, l’artiste Deepa Bauhadoor, nous montre différentes visions de la canne selon les saisons et les heures de la journée. Rouge flamboyant, jaune d’or ou de feu, vert d’espoir, noir charbon, la canne se décline en une palette qui exprime l’émotion de la peintre- photographe devant les champs qui habillent la terre mauricienne. Si les tableaux ne contiennent aucun être vivant, on y sent la présence constante de l’homme dans son action sur la canne mais aussi subissant le contrecoup de son activité dans les champs.