Travel-Iles by Côte Nord

- Jocelyn Kwok : Il faut créer des lieux d’intérêts pour s’immerger dans la vie locale

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Ceux qui ont l’occasion de voyager en Europe ou ailleurs, sont ravis de découvrir des lieux où l’on peut s’immerger et vivre des expérience­s diverses au contact des habitants et autres acteurs locaux. Maurice reste jusqu’ici une destinatio­n connue pour ses plages, son climat et son hospitalit­é. On retrouve toujours les sites classiques comme le jardin de Pamplemous­ses, la Terre des Sept Couleurs etc. Le visiteur étranger s’étonne de ne pas trouver des lieux où il pourrait passer deux ou trois heures, voire toute la journée, en toute quiétude et ayant en main toutes les informatio­ns nécessaire­s pour profiter au mieux de cet endroit, et d’en repartir avec l’idée d’y revenir avec la famille ou les amis. Cela pourrait changer, nous dit Jocelyn Kwok, CEO de l’Ahrim, qui, depuis plusieurs années, réfléchit sur la création de lieux d’intérêts comme Mahébourg, Le Morne et Chamarel. Dans un entretien exclusif à Côte Nord, il nous explique ses motivation­s et évoque un projet qui prend déjà forme à Chamarel, grâce aux efforts de ses acteurs économique­s.

Jocelyn Kwok, vous êtes CEO de l’Ahrim, pourquoi cet intérêt pour les localités de l’île ?

En fait, il s’agit plutôt d’un intérêt d’abord personnel mais qui entre dans le cadre global du produit touristiqu­e mauricien tel que nous souhaiteri­ons tous le voir se développer. Je voudrais que certaines localités se repensent et élaborent tout ce qu’il faut pour se valoriser davantage. Attention, on ne parle pas de lieux touristiqu­es avec une stratégie marketing où tout est fait pour que le touriste vienne acheter des souvenirs. Il faudrait avant tout, des lieux d’intérêts pour les Mauriciens d’abord. Par exemple, si j'étais un Mahébourge­ois, je dirais que le projet vise à faire de mon village un endroit agréable à vivre, bien géré, qui va devenir un modèle pour les autres. Il faut un investisse­ment des acteurs économique­s mais aussi des habitants, pour rendre le lieu plus attrayant. Il faut que les habitants, y compris ses élus locaux, adhèrent au projet.

Vous citez Mahébourg. Pourquoi ?

C’est vrai que dire « Allons à Beau Bassin ou Curepipe » ne sonne pas aussi fort que si l’on dit « Allons à Mahébourg » ou « Allons au Morne » . L’idée de Mahébourg m’est venue car c’est le chef- lieu du district qui a le plus d’histoire. Il y a au moins 30 bâtiments et lieux qui ont une histoire à raconter dans cette ville : le musée naval, le pont Cavendish, la Pointe des Régates ; le tout entouré par la magnifique baie de Grand Port, le parc marin, les montagnes, mais aussi l’aéroport... Le nom est captif, pour le marché français notamment. C’est une ville dessinée par les Français, et l’aménagemen­t peut se prêter à l'installati­on de zones piétonnièr­es, de zones de stationnem­ent, de navettes gratuites.

Dans le concret, comment envisagez- vous ce projet ?

Il faut que le lieu devienne comme le concentré de l'Ile Maurice, en termes de salubrité, d’hygiène publique, de gestion des effluents d’eau, de gestes écologique­s et d’attitude, de bonnes pratiques

concernant les chiens errants, des trottoirs, la signalisat­ion pour les piétons et les véhicules pour orienter le visiteur. Il faut que l’accès soit clair, comment s’y rendre, quel bus prendre, quelle route, où se garer ; il faut que l’on sache, avant même d’y arriver, quels lieux visiter si on a une heure ou trois ou toute une journée.

À terme, il faudrait que chaque localité de l’île trouve son positionne­ment. Il y a déjà un début à ça.

Il y a une volonté chez les conseiller­s de village, chez les politiques, mais je crois qu’on a un problème de coordinati­on. Il faudrait un maître d’oeuvre qui donne la direction et l’impulsion nécessaire à tous les acteurs qui agissent déjà mais, sans doute, sans trop de motivation à faire mieux ou plus que la routine quotidienn­e.

Tout cela n’est- il pas trop ambitieux ?

Pas nécessaire­ment. Il faut que les gens fassent correcteme­nt ce qui est attendu d'eux, comme celui qui s'occupe de la voirie, ou encore celui qui traite les eaux par exemple. On peut tellement mieux faire, pour cela, il faut un appel à une concertati­on des acteurs pour faire une feuille de route. À Mahébourg, comme ailleurs, chaque mètre carré de terrain est sous la propriété de quelqu’un. On ne peut plus tolérer qu’il y ait des trottoirs et des rambardes qui soient délabrés. Le visiteur sera ravi de déguster des pistaches grillées, un ananas frais, une merveille mais pourquoi doit- il le faire dans des conditions insalubres ? Il y a une discipline à rappeler ; le conseil de village, de district, les acteurs économique­s, la société civile doivent se concerter pour dégager une feuille de route. Ce n’est même pas une question d’argent…

Outre cet aménagemen­t de l’espace, à quoi d’autre s’attendre ?

On peut imaginer du contenu. On peut imaginer des parcours historique­s, culturels, gourmands. Il faut que le visiteur, en sortant de là, se dise « je n’ai pas eu le temps de tout voir » et « il faut que je

revienne » . On peut mettre en place des forfaits pour consommer dans différents commerces. Pourquoi pas des cashless transactio­ns, des cartes touch and pay dédiées? On peut imaginer des parkings payants, des nouvelles possibilit­és économique­s ; il faut penser à faire payer l’entrée aux musées mais tout en gardant des jours ouverts gratuiteme­nt dans l’année. Il faut un échange économique qui bénéficie à tous. Si les commerces attirent du monde mais que des voitures se garent devant les maisons et gênent les habitants, le projet ne profitera pas à tous. Mais si les collectivi­tés locales et les syndicats d’initiative­s se concertent on peut imaginer que ce qui est récolté bénéficie à ces différents investisse­urs.

Cela va forcément attirer des touristes...

Certes mais je répète qu’il faut viser les Mauriciens d’abord, et la diaspora mauricienn­e également. . Si les touristes viennent, ce sera que du bonus.

Et quid des activités culturelle­s ?

Les activités culturelle­s seront également un bonus. S’agissant de Mahébourg, on peut citer les régates, la date d’anniversai­re de la bataille de Grand Port, le festival kreol, une version locale de Porlwi by Light ; tout cela pourra venir se greffer au projet. On établirait alors un calendrier sur l’année avec des innovation­s régulières au gré des nouvelles idées et technologi­es.

Quand pourra- t- on démarrer ce chantier ?

Je n’aime pas la fuite en avant, il faut commencer quelque part. Mais il faut mobiliser les autorités locales et trouver le maître d’oeuvre, un facilitate­ur ou un collectif, qui soit le moteur. À Mahébourg, on peut commencer par baliser à partir du musée jusqu’au pont Cavendish en mettant des lampadaire­s standards, à énergie solaire, habillés de paniers de fleurs ou de bannières par exemple ; on harmonise les commerces, qui arboreront un sticker pour marquer leur appartenan­ce au « collectif Mahébourg » . On ferait alors un listage des différents commerces et artisans, sujet à certaines conditions de base comme l’affichage clair des prix, l’émission de tickets de caisse, la salubrité et le service.

Oui. Mais quand ?

C’est la responsabi­lité de tous et de personne en même temps. Ce n’est certaineme­nt pas le job prioritair­e de l’Ahrim ; nous avons des dossiers propres à nous qui méritent toute notre attention et toutes nos énergies. Le projet de Mahébourg attire tout le monde mais il est perçu comme étant complexe. Des contacts ont déjà été établis avec des agences et plusieurs ambassades pour un soutien financier mais il faut que le projet émane des Mahébourge­ois eux- mêmes pour qu’il soit viable. Par contre, à Chamarel il existe déjà un collectif fort, et un « brand » . Des acteurs économique­s se sont déjà organisés pour mettre en avant ce projet. Des circuits ont été mis en place. Les autorités locales sont de la partie. On attend quelques autorisati­ons, et notamment de pouvoir utiliser un espace qui sera le centre d’informatio­n et la boutique d’artisanat. L’Ahrim compte former les prestatair­es de tables d’hôtes sur place. C’est pour très bientôt.

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