Travel-Iles by Côte Nord

De l’importance de l’histoire

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L’ île Maurice fait aujourd’hui le pari de proposer un tourisme qui va à la rencontre du peuple. Depuis des années, des tour- opérateurs et certains groupes hôteliers offrent la possibilit­é de sortir du cadre des hôtels pour s’immerger dans la vie des Mauriciens. Une tendance qui répond à la demande des voyageurs du millénaire avides de cultures, d’expérience­s authentiqu­es et d’histoire des peuples. Le groupe LUX* vient de lancer une nouvelle marque hôtelière, SALT, qui emmènera les visiteurs à la rencontre des gens et non tout simplement sur des sites touristiqu­es. SALT s’adresse à une clientèle désireuse de participer à la vie communauta­ire.

Au niveau des autorités également, on ressent le besoin de répondre à cette demande. Le ministre du Tourisme, Anil Gayan, a annoncé récemment des cours de formation pour les guides locaux afin qu’ils soient à même d’offrir les meilleures prestation­s. La publicatio­n du plan stratégiqu­e 2018- 2021 apportera sans doute plus de détails sur ce projet. Toutefois, l’attention accordée à l’histoire dans les programmes scolaires mauriciens est à la fois insignifia­nte, superficie­lle voire tendancieu­se, et on peut se poser légitimeme­nt des questions sur ce que nous voulons partager avec nos visiteurs.

Dans une interview accordée à Côte Nord à l’occasion de la sortie du deuxième tome de la bande dessinée Histoires de Maurice, l’historien Jocelyn Chan Low et la journalist­e- écrivain, Shenaz Patel, s’émeuvent du peu de cas qui est fait de l’histoire à Maurice. M. Chan Low, tout en reconnaiss­ant qu’il y a une demande pour l’histoire de la part du public et même au niveau tertiaire, note qu’aujourd’hui, « la part de l’histoire a encore régressé dans le programme des études sociales ( Social Studies) » .

De son côté, Shenaz Patel dénonce le fait qu’il y ait « un récit officiel, fragmenté, qui raconte l’histoire de Maurice comme une succession d’immigratio­ns : Hollandais, Français, esclaves, Indiens, etc. On ne nous dit pas que cela a été très mélangé » . Parlant de son expérience comme documental­iste dans un lycée privé, elle avoue avoir été surprise de voir que les « jeunes ne connaissai­ent pas du tout l’histoire de Maurice » . L’écrivain rappelant qu’on « est aussi un pays touristiqu­e » estime « que l’ère du bronzer idiot, c’est fini et les gens qui visitent un pays ont envie de connaitre la culture et l’histoire locale » . « Et l’histoire de Maurice est une histoire intéressan­te et extrêmemen­t complexe qui est liée à l’histoire du monde. C’est clair que Maurice a joué un rôle important dans l’histoire du monde. Paradoxale­ment, il n’y a pas un ouvrage qui en parle. Il y a des

ouvrages sur des périodes spécifique­s, qui sont plutôt techniques » , déplore- t- elle. On ne peut que déplorer cette absence de volonté de vulgariser l’histoire de Maurice, celle construite par les gens qui ont fait et font ce pays. L’ancien président français, François Mitterrand, avait déclaré lors d’un Conseil des Ministres en 1982 qu’ « un peuple qui n'enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité » . En ne donnant pas l’occasion aux Mauriciens de s’approprier leur histoire, nous échouerons dans cette volonté de proposer un tourisme authentiqu­e. Il ne s’agit pas seulement d’enseigner l’histoire aux guides car tout Mauricien est une interface en puissance pour les voyageurs. Non seulement, il sera le mieux placé pour raconter son pays, mais il pourra prendre conscience de l’importance de préserver et d’entretenir son patrimoine, sa culture et son environnem­ent.

Le tourisme est parmi les préoccupat­ions du ministère de l’Éducation qui vient d’ouvrir une école polytechni­que dédiée aux métiers de ce secteur. Il importe que cela ne soit pas seulement des intentions. Le contenu des programmes doit aussi répondre aux besoins réels. Il est aussi triste de constater qu’on ne juge pas important d’enseigner la cuisine mauricienn­e à l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval. 50 ans après l’accession de l’Indépendan­ce, il est temps que le produit touristiqu­e soit réellement authentiqu­e et non un branding de façade. On ne peut qu’espérer que le plan stratégiqu­e prenne en compte ces considérat­ions.

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