La Réunion
Je peux descendre et monter mille fois la rue des belles, toujours, quelque chose qui m’avait jusqu’alors échappé m’apparaît dans sa fraîcheur de trésor caché. C’est le détail d’un pilastre, un buste en marbre dans un jardin, c’est un massif de fleurs, les dalles d’une varangue. De toutes ces maisons hautes et fières qui portent les noms d’anciens maîtres, les abandonnées laissent le plus échapper leur âme. Dans un secret échange, je fais chanter leurs fontaines sèches. J’allais parfois en vacances dans la maison de Grand Îlet de mon frère instituteur. Les noms des mares à Citrons, à Martin, à Vieille Place, à Poule d’Eau titillaient mon imagination d’enfant. Le Piton d’Anchaing, forteresse d’amour et de liberté conquise par les deux esclaves en fuite Anchaing et de Héva, l’enflammait.