L'exemple de Mahébourg, village touristique
Annoncé dans le budget 2018-2019, le projet visant à donner à Mahébourg un vrai cachet touristique a été présenté au public le 16 septembre dernier. Il faut dire d’emblée que faire de Mahébourg un village touristique est une idée qui date de plus de 20 ans mais qui n’a jamais connu de suite. L’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim) est également venue de l’avant en 2017 avec un projet ambitieux mais a préféré le mettre de côté quand le gouvernement a annoncé le sien.
Cette fois, il semble que les autorités, en particulier le ministère du Tourisme qui pilote le projet, ait choisi de faire les choses comme il faut en consultant notamment les premiers concernés, les habitants de Mahébourg. Ceux qui ont parlé en leur nom n’ont pas toujours été d’accord mais il n’empêche qu’à la suite de la présentation de l’architecte Gaëtan Siew, force est de reconnaître que l’esquisse, précisons-le, car il n’y a pas, à ce jour, de plan établi, est en phase avec ce que l’on peut attendre d’un projet de village touristique moderne.
Cette esquisse, qui ressemble beaucoup à celle de l’Ahrim tant par sa philosophie que son objectif, est non seulement le fruit de discussions avec les parties prenantes mais aussi celui d’une immersion dans la vie et l’histoire de ce qui fut la première ville du pays. Le résultat est, d’une part, un constat de la richesse du lieu et, d’autre part, des propositions pour redonner au village la dynamique nécessaire pour en faire une destination pérenne dans la destination Maurice. L’équipe de Gaëtan Siew a remis en perspective le modèle d’urbanisation originale du village remontant à l’époque de la colonisation et souligné le côté nature encore très présent en particulier le côté rivière, long de 2,6 km, complètement négligé jusqu’ici.
Les propositions formulées s’articulent autour de la restauration et de la préservation du patrimoine existant, le respect de l’environnement, le contrôle du développement, la célébration de la ville, la promesse du lieu et un branding de Mahébourg. Les réactions ont été mitigées ; certains s’enthousiasmant pour un projet qui n’a rien du développement sauvage craint au départ, d’autres évoquant des craintes justifiées par rapport à des menaces déjà existantes, notamment en termes de sécurité et qui pourraient nuire à l’ambition d’une night-life colorée alors qu’on a également entendu les éternelles récriminations de ceux qui s’arrogent le droit de la définition et de l’identité de l’authenticité.
Il n’empêche que, nonobstant un changement de gouvernement, ce projet devrait aboutir car il revient aux bases de ce que le voyageur moderne recherche. Le ministre du Tourisme, Anil Gayan, a eu raison de saluer, au début de son allocution à l’amphithéâtre de Mahébourg, le fait que l’hôtel SALT of Palmar ait été cité par TIME magazine comme un des 100 lieux à visiter dans la catégorie hébergement. Cette nouvelle enseigne du groupe The Lux Collective, qui a ouvert il y a moins d’un an, propose une offre centrée sur la production et les couleurs locales. Un parti pris osé car cela impose un prix qui n’est pas donné. Mais n’est-il pas plus profitable de chercher justement des voyageurs qui reconnaissent la valeur des choses et qui sont prêts à dépenser pour des expériences locales réelles?
Que le ministère du Tourisme décide de s’investir autant dans ce projet de Mahébourg est une bonne chose non seulement pour le village du sud-est de l’île Maurice mais pour tout le pays. Car, cette nouvelle initiative préfigure ce que devrait être toute la destination Maurice. Une destination qui met en avant les vraies valeurs du pays, à savoir, son histoire, son patrimoine, son hospitalité, sa gastronomie et sa culture. Tout cela en gardant les racines originelles et en acceptant que la modernité puisse rehausser ses valeurs. Car, si la signalétique traditionnelle est importante, il faut se rendre à l’évidence que le voyageur moderne utilisera surtout les applications qui lui permettront de mieux préparer son voyage et bouger lors de son séjour. Le projet de Mahébourg envisage cela ; il faudra que la destination Maurice suive. L’avenir de notre industrie passe par cette voie.