Manou Soobhany De l'art de la subversion
Pour sa quatrième exposition à Maurice et la première en solo, Manou Soobhany, enfant de Quatre-Bornes, aujourd'hui installé en Allemagne, présente à travers une quinzaine d'oeuvres, sa vision du monde mais aussi de son pays natal. Une vision de l'actualité contemporaine aussi bien qu'historique puisque Manou remonte jusqu'à la colonisation française pour réinterpréter l'histoire de Paul et Virginie.
L’exposition de Manou reflète son cheminement et révèle aussi ses expériences passées. Il faut dire que sa passion pour le dessin date de la tendre enfance quand il dessinait un peu partout avec une craie. Il continuera au collège et décrochera le premier prix lors d’un concours de dessin au MGI devant des amateurs aguerris. Après les études secondaires, Manou commence sa carrière au ministère des Finances, mais heureusement, dédaignant une carrière prometteuse dans la fonction publique, il s’envole pour l’École des Beaux-Arts à Marseille, en France. L’expérience française de deux ans s’avérant peu enrichissante, c’est à Londres chez Goldsmith qu’il trouve enfin ce qu’il cherche. Il ira ensuite à Dusseldorf où il découvre une académie immense. Séduit, il déposera ses valises définitivement dans cette ville, « où on retrouve les meilleurs professeurs au monde, ceux que l’on rencontre généralement dans les magazines ». Il passera six ans à l’académie et y décrochera son Master.
C’est à cette époque, il y a quelque 25 ans de cela, que Manou décide de revenir à Maurice pour une résidence et une première exposition avec des camarades de l’académie. Une deuxième exposition sera organisée cinq ans après, mais « la collaboration avec le ministère de la Culture et des Arts sera catastrophique en raison de l’obstruction de l’officier en charge qui va nous proposer un bâtiment sans toit à Pointe Jérôme pour tenir cette résidence ». Celle-ci se fera finalement dans un autre lieu. Le troisième projet bénéficiera d’un autre traitement et se tiendra dans la prison de Port-Louis, réhabilitée pour l’occasion.
« Let's make Art great again »
Cette fois, l’artiste profite de son séjour à Maurice pour une quatrième exposition en solo afin de bien montrer sa propre vision de l’art. En général, le travail de Manou se compose à moitié d’une partie illustrative : des fresques
murales notamment, et l’autre moitié est figurative, celle qui lui tient plus à coeur et qu’il a montrée lors de son exposition intitulée The Opening. C’est là où il peut exercer ses différents talents sur le métal, le bois, la pierre ; c’est là où il exprime tout ce qu’il a appris pendant ses études.
Les oeuvres exposées répondaient à deux critères : transportables dans ses valises et qu’elles soient en phase avec le contexte mauricien. Effectivement, Manou s’interroge sur l’indépendance à travers « La face cachée du dé » : est-ce que l’indépendance s’est jouée sur un coup du sort ?
Manou interpelle aussi sur des thèmes plus généraux comme le pouvoir de décision, l’interprétation des textes religieux, le corps de la femme, les droits de l’Homme. Il ne manque pas d’égratigner la première puissance mondiale à travers sa politique des migrants et sa volonté affichée d’effacer les traces des premiers habitants du continent américain. Le président Trump n’est pas épargné puisque l’artiste déclare « Let’s make Art great again ». Enfin, il ne fallait surtout pas manquer « les éléphants » de Manou, symboles des évidences ou des énormités que l’on ne voit pas.
« L’art est une façon différente de voir les choses ; l’art peut être une façon parallèle de voir les actualités du monde. Il nous permet de penser et de discuter des choses de tous les jours. L’art permet de rentrer dans les règles de la société et de les rendre subversifs ». Pour Manou, « nous avons tous des points de vue différents sur les choses mais nous ne travaillons pas dessus parce que nous sommes absorbés par notre quotidien ».