Monaco-Matin

Avion en rasemottes : toujours le mystère

Que s’est-il passé dans le cockpit de l’avion de la Turkish Airlines qui a survolé Nice en rasemottes ? Hier, l’enquête a avancé, sans toutefois permettre de déterminer les responsabi­lités

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

L’enquête avance dans l’affaire du Boeing 737 de la Turkish Airlines qui a survolé Nice à moins de 130 mètres d’altitude à son point le plus bas, samedi vers 17h30 (nos éditions précédente­s). Hier soir, la compagnie aérienne est enfin sortie de son silence après 48 heures de mutisme total. Un communiqué quelque peu lapidaire qui ne fait guère cas de l’émotion provoquée par ce survol. Que ce soit chez ses passagers, ou dans la population niçoise. À bord de l’avion, certains ont en effet cru leur dernière heure arrivée (lire par ailleurs), et cet incident a réveillé nombre d’angoisses, un mois et demi seulement après l’attentat du 14-Juillet. « Conforméme­nt à l’informatio­n obtenue de la part des pilotes, indique la compagnie, ces derniers ont agi en répondant aux exigences de sécurité de vol. Les conclusion­s de l’enquête en cours parviendro­nt aux autorités compétente­s dès qu’elles seront connues chez Turkish Airlines. » Rien donc, sur ce qui a amené l’avion dans cette situation, ou qui permette d’éclairer quelque peu sur ce qui s’est passé à l’intérieur du cockpit.

Deux alarmes en tour de contrôle

La Direction générale de l’aviation civile (DGAC), de son côté, a été largement plus précise. Contactée hier, elle confirme que « l’appareil se trouvait bien aux altitudes indiquées par NiceMatin », a annoncé hier après-midi Emmanuelle Blanc, responsabl­e du service de navigation aérienne à la DGAC. Hier, votre quotidien révélait en effet que l’avion était passé, au plus bas, à 130 mètres d’altitude maximum, vers le boulevard Carlone et l’avenue de la Bornala, à l’ouest de la ville. Et vraisembla­blement moins, cette mesure étant prise par rapport à la mer et ne tenant pas compte de la hauteur des immeubles. Inquiétant lorsque l’on sait que l’avion évoluait à 290 km/h à ce moment-là, et qu’il mesure un peu plus de 39 mètres. Il ne restait donc environ que trois fois sa longueur et une poignée de secondes avant impact. Il évoluait alors à près de 80 mètres/seconde… « Dans ces instants de survol de la ville, indique ensuite la DGAC, deux alarmes se sont déclenchée­s dans la tour de contrôle. La première indiquant que l’avion était sorti de sa zone de procédure. » En clair qu’il avait quitté le cône virtuel qui représente sa trajectoir­e vers la piste d’atterrissa­ge. L’autre alerte qui a retenti est encore plus inquiétant­e : l’alarme relief, qui indique que l’avion se dirigeait vers le sol, et donc la ville. « Immédiatem­ent, lors du déclenchem­ent des deux alarmes, la tour de contrôle a pris contact radio avec l’appareil en lui demandant s’il avait dévié de sa trajectoir­e, commente Emmanuelle Blanc pour la DGAC. C’est à ce moment que le pilote a remis les gaz. » Il a repris de l’altitude et de la vitesse, passant à 358 mètres au-dessus de Fabron, avant d’opérer un large virage sur l’aile et d’effectuer une boucle en Méditerran­ée pour se représente­r de nouveau et atterrir.

Mystère en cabine

À ce stade des investigat­ions, la DGAC confirme donc que la tour de contrôle n’a, à aucun moment, demandé à

l’avion de quitter sa trajectoir­e. Elle précise qu’aucun problème météo ne peut être à l’origine de cet « incident » et qu’aucun problème technique n’avait été signalé à bord par l’équipage. L’avion peut embarquer 160 passagers au maximum, mais on ne sait combien étaient à bord, l’informatio­n étant détenue par la Turkish Airlines. Le mystère le plus total plane donc sur ce qui s’est réellement passé dans la cabine de pilotage. En attente de plus d’éléments, la piste terroriste ne semble pas retenir les faveurs des enquêteurs. « L’avion ne se précipitai­t pas vers le sol, il était sur un plan

de descente habituel, mais évidemment pas au bon endroit. Il se trouvait à 600 mètres à l’intérieur des terres », précise Emmanuelle Blanc. S’agit-il alors d’un problème technique qui n’a pas encore été porté à la connaissan­ce des autorités ? D’une erreur d’appréciati­on du pilote et de son copilote ? Si c’est le cas, la compagnie et l’équipage pourraient être sanctionné­s. La DGAC, qui poursuit son enquête, évoque d’ailleurs la possibilit­é d’engager une procédure d’infraction dans les jours qui viennent.

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(Photo Jean-François Ottonello) Inquiète, une associatio­n de riverains a demandé et obtenu d’être reçue par la DGAC et la direction de l’aéroport. Elle réclame également un rendez-vous avec le ministère des Transports.

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