Avion en rasemottes : toujours le mystère
Que s’est-il passé dans le cockpit de l’avion de la Turkish Airlines qui a survolé Nice en rasemottes ? Hier, l’enquête a avancé, sans toutefois permettre de déterminer les responsabilités
L’enquête avance dans l’affaire du Boeing 737 de la Turkish Airlines qui a survolé Nice à moins de 130 mètres d’altitude à son point le plus bas, samedi vers 17h30 (nos éditions précédentes). Hier soir, la compagnie aérienne est enfin sortie de son silence après 48 heures de mutisme total. Un communiqué quelque peu lapidaire qui ne fait guère cas de l’émotion provoquée par ce survol. Que ce soit chez ses passagers, ou dans la population niçoise. À bord de l’avion, certains ont en effet cru leur dernière heure arrivée (lire par ailleurs), et cet incident a réveillé nombre d’angoisses, un mois et demi seulement après l’attentat du 14-Juillet. « Conformément à l’information obtenue de la part des pilotes, indique la compagnie, ces derniers ont agi en répondant aux exigences de sécurité de vol. Les conclusions de l’enquête en cours parviendront aux autorités compétentes dès qu’elles seront connues chez Turkish Airlines. » Rien donc, sur ce qui a amené l’avion dans cette situation, ou qui permette d’éclairer quelque peu sur ce qui s’est passé à l’intérieur du cockpit.
Deux alarmes en tour de contrôle
La Direction générale de l’aviation civile (DGAC), de son côté, a été largement plus précise. Contactée hier, elle confirme que « l’appareil se trouvait bien aux altitudes indiquées par NiceMatin », a annoncé hier après-midi Emmanuelle Blanc, responsable du service de navigation aérienne à la DGAC. Hier, votre quotidien révélait en effet que l’avion était passé, au plus bas, à 130 mètres d’altitude maximum, vers le boulevard Carlone et l’avenue de la Bornala, à l’ouest de la ville. Et vraisemblablement moins, cette mesure étant prise par rapport à la mer et ne tenant pas compte de la hauteur des immeubles. Inquiétant lorsque l’on sait que l’avion évoluait à 290 km/h à ce moment-là, et qu’il mesure un peu plus de 39 mètres. Il ne restait donc environ que trois fois sa longueur et une poignée de secondes avant impact. Il évoluait alors à près de 80 mètres/seconde… « Dans ces instants de survol de la ville, indique ensuite la DGAC, deux alarmes se sont déclenchées dans la tour de contrôle. La première indiquant que l’avion était sorti de sa zone de procédure. » En clair qu’il avait quitté le cône virtuel qui représente sa trajectoire vers la piste d’atterrissage. L’autre alerte qui a retenti est encore plus inquiétante : l’alarme relief, qui indique que l’avion se dirigeait vers le sol, et donc la ville. « Immédiatement, lors du déclenchement des deux alarmes, la tour de contrôle a pris contact radio avec l’appareil en lui demandant s’il avait dévié de sa trajectoire, commente Emmanuelle Blanc pour la DGAC. C’est à ce moment que le pilote a remis les gaz. » Il a repris de l’altitude et de la vitesse, passant à 358 mètres au-dessus de Fabron, avant d’opérer un large virage sur l’aile et d’effectuer une boucle en Méditerranée pour se représenter de nouveau et atterrir.
Mystère en cabine
À ce stade des investigations, la DGAC confirme donc que la tour de contrôle n’a, à aucun moment, demandé à
l’avion de quitter sa trajectoire. Elle précise qu’aucun problème météo ne peut être à l’origine de cet « incident » et qu’aucun problème technique n’avait été signalé à bord par l’équipage. L’avion peut embarquer 160 passagers au maximum, mais on ne sait combien étaient à bord, l’information étant détenue par la Turkish Airlines. Le mystère le plus total plane donc sur ce qui s’est réellement passé dans la cabine de pilotage. En attente de plus d’éléments, la piste terroriste ne semble pas retenir les faveurs des enquêteurs. « L’avion ne se précipitait pas vers le sol, il était sur un plan
de descente habituel, mais évidemment pas au bon endroit. Il se trouvait à 600 mètres à l’intérieur des terres », précise Emmanuelle Blanc. S’agit-il alors d’un problème technique qui n’a pas encore été porté à la connaissance des autorités ? D’une erreur d’appréciation du pilote et de son copilote ? Si c’est le cas, la compagnie et l’équipage pourraient être sanctionnés. La DGAC, qui poursuit son enquête, évoque d’ailleurs la possibilité d’engager une procédure d’infraction dans les jours qui viennent.