Monaco-Matin

Migrants : « Pas aux vallées de trouver une réponse »

Conseillèr­e régionale et Breilloise pure souche, Laurence Boetti-Forestier se dit « inquiète » pour la Roya-Bévéra. Elle a adressé une lettre au préfet pour que la frontière soit « contrôlée »

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Elle veut être « une lanceuse d’alerte». «La porte-parole» de sa vallée chérie, la Roya, là même où elle a grandi et vécu. Mais aussi de la Bévéra et du Paillon. Le 10 août dernier, Laurence Boetti-Forestier, conseillèr­e régionale au sein de la majorité LR, a sorti sa plume pour écrire au préfet des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat. Pour l’alerter sur l’afflux massif de migrants dans l’arrière-pays. Conséquenc­e, selon elle, « du renforceme­nt des contrôles sur la frontière littorale». Elle en appelle à l’État qui, selon elle, est le seul à pouvoir apporter une réponse avec l’Europe. Sa solution ? « Que la frontière soit contrôlée, notamment sur la RD 6204 entre Fanghetto et Breil-sur-Roya, ainsi que sur la RD 93 entre Olivetta et Sospel. » Elle appelle aussi à encadrer l’action des militants « No Border », dont les banderoles et les graffitis le long de la route « dégradent l’image d’une vallée, déjà fragile économique­ment». Un tout. Une problémati­que complexe. Et l’envie de représente­r « ceux qui ne s’expriment pas ». « Mes propos n’engagent que moi, pas la mairie de Breil», tient à préciser celle qui est aussi adjointe d’André Ipert. Pourquoi alerter le préfet sur la situation de la Roya-Bévéra? L’ancienne frontière à Fanghetto n’est pas fermée, ni protégée, et le flux de migrants est de plus en plus important depuis le renforceme­nt des contrôles à la frontière mentonnais­e. Puisque c’est une des missions de l’État, j’ai demandé au préfet qu’elle soit contrôlée. Qu’on soit traité de la même façon que le littoral. Ce ne sont ni la mairie de Breil ni celles des vallées qui en auront les moyens financiers. En demandant ça à l’État, c’est aussi une volonté de sécuriser les habitants et protéger les migrants.

Sur place, comment se caractéris­e ce flux de plus en plus important? Comme la frontière est fermée à Menton, ces jeunes gens passent en France par Breil-sur-Roya en marchant sur les routes. Puis, ils montent dans le train de la ligne Nice-Cuneo par Sospel pour rejoindre Nice. Il n’y a pas de contrôles. On a là un double problème car il faut aussi les protéger puisqu’ils sont livrés à eux-mêmes. Quand ils n’ont pas de train, ils dorment sur les talus ou dans les tunnels. Ils descendent aussi la nuit, à pied, par les voies ferrées. C’est très dangereux. C’est d’ailleurs pour ça que les contrôles de gendarmeri­e en gare de Sospel se sont accrus. On constate aussi tout un tas de trafics avec les migrants.

Dans votre lettre, vous évoquez les inquiétude­s des habitants L’attentat du -Juillet est un drame humain. Nice, c’est notre ville. On a tous été touchés. Mais il faut séparer cet événement des migrants. On sait très bien qu’ils ne sont pas en cause. Mais si les passages ne sont pas protégés, il peut y avoir un risque de laisser rentrer des terroriste­s, comme des armes ou de la drogue. On l’a d’ailleurs très bien vu avec les attentats du -Novembre à Paris. La France est en guerre et la situation est dramatique. On est sur un territoire fragilisé, l’une des dernières portes d’entrée en Europe. Comme dans toute guerre où l’on doit protéger nos population­s, je suis pour le rétablisse­ment des contrôles aux frontières.

D’un autre côté, pourtant, il y a des actes de solidarité comme ces Breillois qui ont accueilli et parrainé le petit Moussa… Évidemment, il y a une forme d’entraide et de solidarité que je félicite et soutiens. Ces enfants peuvent être les nôtres. Je suis sensible à cette détresse humaine et au drame qui se joue en Méditerran­ée. Les collectifs, aussi, soutiennen­t et donnent à manger aux migrants. Mais quelles réponses doit-on donner? Les communes de la Roya n’ont pas les moyens de faire une politique sociale d’hébergemen­t, de transit et d’accueil des migrants. On ne peut pas laisser ces jeunes gens errer sans manger. Il faut les traiter avec humanité. Il faut une réponse que seuls l’État et l’Europe peuvent apporter. Et pour l’instant, pas de réponses. Autre point abordé : l’action des militants « No Border », dits solidaires. Ils nuisent à l’image de la vallée de la Roya. Il y a eu l’occupation de l’ancien poste frontière à Breilsur-Roya, les banderoles, les graffitis un peu partout : le long de la route, sur les murs, sur les ouvrages de la SNCF. Il y a également ce tract injurieux qui a été distribué sur les voitures, il y a une environ deux semaines, avec une incitation à la haine contre les forces de l’ordre. On doit prévenir les risques de débordemen­ts.

Pourquoi sont-ils aussi actifs dans la vallée de la Roya ? Car ici, il y a une culture contestata­ire. Il y a le tunnel du col de Tende, la ligne de chemin de fer Nice-Cuneo, le slogan «des moutons, pas des camions » qui fleurit un peu partout, etc. Sur ce petit territoire, on recense beaucoup de problémati­ques, aussi dues à notre position frontalièr­e.

Vous semblez inquiète pour votre vallée… La Roya est la porte d’entrée sur la vallée des Merveilles. Cette vallée a une économie fragile et de passage. On vit sur le tourisme. C’est une route de passage vers l’Italie, tous les gens s’arrêtent là pour faire marcher les restaurant­s. La partie de la population que je veux représente­r, qui ne s’exprime pas par des banderoles et des graffitis, en a ras-le-bol. Et n’est pas d’accord avec les actions des « No Border ». Je veux être une lanceuse d’alerte politique. Il faut qu’on s’occupe de nous…

La population en a ras-le-bol ”

 ?? (Photo Michaël Alési) ?? « Je suis pour le rétablisse­ment des contrôles aux frontières. » face à ce flux migratoire, « renforcées depuis l’attentat de Nice et suscitant régulièrem­ent des réactions de rejets ».
(Photo Michaël Alési) « Je suis pour le rétablisse­ment des contrôles aux frontières. » face à ce flux migratoire, « renforcées depuis l’attentat de Nice et suscitant régulièrem­ent des réactions de rejets ».

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