Monaco-Matin

Son livre sur le quinquenna­t Hollande

La journalist­e niçoise sort, demain, un nouveau livre intitulé Comment en est-on arrivé là? Histoire d’un chaos politique. Quatre années d’observatio­n où personne n’est épargné à la veille de 2017...

- PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÉMY COLLADO jcollado@nicematin.fr

Tout a commencé à la Bastille et tout s’est terminé sous les drapeaux endeuillés de l’attentat de Nice. Dans une chronique documentée, intitulée Comment en est-on arrivé là ? Histoire d’un chaos politique qui sort demain (1), au coeur des coulisses du pouvoir, la journalist­e niçoise MichèleCot­ta,quiestauss­inotreédit­orialiste, livre un récit haletant.

On vous sent plus pessimiste qu’autrefois sur cette chronique politique… Si j’ai l’air pessimiste, c’est que l’univers politique est éclaté de tous côtés. Tout cela est lié à la profondeur des problèmes. François Hollande, qui voulait incarner la gauche socialedém­ocrate et gouverner par le dialogue social, a affronté une fin de crise. Et toute une gauche a pensé qu’en agissant ainsi, le président de la République trahissait les idées de la gauche. Pour la première fois depuis  et le Congrès d’Épinay, la gauche est véritablem­ent cassée en deux. C’est la fin du cycle Mitterrand qui était parvenu à instaurer l’union de la gauche…

Les affaires ont émaillé le quinquenna­t : de Jérôme Cahuzac à Thomas Thévenoud, François Hollande n’a pas été épargné sur ce plan-là. Jérôme Cahuzac était un cas isolé. Je continue à penser que dans tous les régimes, il y a toujours eu de vilains petits canards. Et ce n’est pas propre à la gauche. Regardez comme la droite est engluée dans l’affaire Bygmalion par exemple… Les Français rejettent tous les politiques sur le plan de la moralité : mais pourtant ceux qui sont confrontés aux affaires sont des exceptions.

Un homme a toujours défendu la moralisati­on de la vie politique : François Bayrou. Pourtant, dans votre livre, il confie ne pas être « utile » en dehors de la majorité… Oui, c’est vrai, François Bayrou avait apporté son soutien entre les deux tours à François Hollande de manière très explicite. Si François Hollande voulait faire un gouverneme­nt social-démocrate, mieux valait embarquer François Bayrou derrière lui ! Mais François Hollande a jugé que c’était trop tôt. Logiquemen­t, François Bayrou a repris sa place centriste… c’est-à-dire opposée à la gauche. Dans la mesure où Alain Juppé se rapproche également de cette position, François Bayrou revient à sa place naturelle.

Tout le monde fait comme si François Hollande avait déjà perdu. On dresse même son bilan. Aura-t-il été un mauvais président ? Incontesta­blement, il a fait un certain nombre de choses. Mais il a aussi perdu beaucoup de temps au début du quinquenna­t, et donc donné l’impression d’un certain non profession­nalisme, ce qui lui a été beaucoup reproché. Pour le reste, la cassure de la gauche et la division de la droite l’ont empêché d’aller plus vite notamment sur la loi Macron et sur la loi Travail.

Mais François Hollande a fait une politique de droite qui ne devrait pas déplaire à LR… Non, on ne peut pas dire les choses ainsi. Je pense que François Hollande a tenu un certain nombre de promesses mais, dans sa campagne électorale, a dû transiger entre deux courants internes à la gauche que l’exercice du pouvoir a révélé. D’un côté une gauche qui veut gouverner en faisant les compromis nécessaire­s, et une autre qui ne veut pas se salir les mains. La nouveauté de ce quinquenna­t, c’est la révélation de cette cassure.

La droite n’a pas véritablem­ent profité de cette cassure. Un homme comme Alain Juppé peutil la porter vers la victoire ? Alain Juppé se bonifie avec le temps, même s’il reste encore très froid. Face au FN, toute une partie de la droite veut attirer les électeurs du FN qui, à son sens, se sont fourvoyés. De l’autre, il y a une droite qui vise vers le centre. Elle va depuis Alain Juppé jusqu’aux radicaux et même certains socialiste­s. Ce groupe central peut être plus important qu’on ne le croit.

Le retour de Nicolas Sarkozy semble plaire aux électeurs de droite. Il remonte dans les sondages. Peut-il remporter la primaire ? Quand on suit Nicolas Sarkozy dans ses déplacemen­ts, on s’aperçoit à quel point il peut être énergique et combien il sait affronter l’hostilité. C’est un animal politique. Mais on a l’impression qu’en règle générale, les politiques n’arrivent plus à diriger le bateau. Et c’est la raison pour laquelle le retour de Nicolas Sarkozy paraît souhaitabl­e pour certains à droite…

Il tente d’occuper l’espace politique de Marine Le Pen, qui se voit déjà au second tour en . Mais dans son entourage, beaucoup pensent qu’elle a déjà perdu… Même si elle s’est dépouillée de l’antisémiti­sme et a exclu son père, Marine Le Pen a encore des positions très dures sur l’euro et l’immigratio­n… Il reste également un terreau facilement raciste au FN. Mais Marine Le Pen est parvenue à « blanchir » son parti. Cela rend la porosité entre l’électorat LR et FN encore plus grand. Et cela explique que Nicolas Sarkozy a choisi, dans un premier temps, de convaincre les électeurs du Front national.

Derrière ce chaos politique, on observe surtout un chaos social : terrorisme, chômage, immigratio­n… La réalité est-elle revenue tel un boomerang pour les politiques ? Vous savez, les Français sont contradict­oires : ils veulent des réformes sans que cela ne touche vraiment leur quotidien. Ils dénoncent les défauts des autres sans se rendre compte que ce sont les leurs ! Ils veulent l’expérience et le changement. Emmanuel Macron et Alain Juppé en même temps.

Le livre se termine sur l’attentat islamiste de Nice et les polémiques sur la sécurité autour du -Juillet. Qu’est-ce que cela révèle sur le climat politique actuel ? Après un événement aussi épouvantab­le, les Français s’attendaien­t à l’union nationale. Elle n’a pas pu se faire. L’affronteme­nt entre gauche et droite a empêché cette réflexion. Mais personne, à droite, ne peut prétendre arrêter le terrorisme du jour au lendemain. Aujourd’hui, le terrorisme s’ajoute au chaos politique.

1. Comment en est-on arrivé là ? Histoire d’un chaos politique de Michèle Cotta. Éditions Robert Laffont, parution demain, 20,42 €.

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