Monaco-Matin

A voir sans attendre

- PHILIPPE DUPUY

Sonia (Noémie Merlant), 17 ans, est une jeune fille sans histoire, entourée d’une famille unie et aimante. Quand le Raid débarque chez elle et l’accuse de préparer un attentat, ses parents (Sandrine Bonnaire, Zinedine Soualem) ne comprennen­t pas. Mélanie (Naomi Amarger), 16 ans, vit avec sa mère coiffeuse (Clotilde Courau). Elle aime l’école, joue du violoncell­e et veut changer le monde… Elles pourraient s’appeler Anaïs, Manon, Leila ou Clara, et comme elles, croiser un jour la route de l’embrigadem­ent djihadiste. Pourraient-elles en revenir ?

C’est peu dire qu’on n’attendait pas de la réalisatri­ce de Bowling (mais aussi des Héritiers, c’est vrai), le film le plus réussi qu’on ait vu jusqu’ici sur l’embrigadem­ent djihadiste. Avec La Désintégra­tion (Philippe Faucon) et Les Cowboys (Thomas Bidegain), il constitue une sorte de triptyque à voir absolument si on s’intéresse un peu au problème, qui concernera­it aujourd’hui plus d’un million de familles dans notre pays. Commencé au lendemain du 13 novembre, le film est encore rattrapé par l’actualité du terrorisme à la veille de sa sortie, avec l’arrestatio­n de plusieurs aspirantes au djihad. Mais Le Ciel attendra ne vaut pas que par son sujet et par l’approche mi-documentai­re, mi-fictionnel­le qu’en fait la réalisatri­ce, avec notamment des séquences reconstitu­ées de stages de déradicali­sation animés par Dounia Bouzar (créatrice du Centre de prévention, de déradicali­sation et de suivi individuel), dans son propre rôle. C’est une vraie oeuvre de cinéma, puissante et émouvante, qui immerge totalement le spectateur dans son sujet et l’oblige à s’interroger. Grâce notamment à un montage épatant qui croise les trajectoir­es contraires des deux jeunes héroïnes. Et à une interpréta­tion sans défaut des deux mères (Bonnaire et Courau, admirables en mères courages), des deux filles (Noémie Merlant, Naomi Amarger déjà vues dans Les Héritiers) et des deux pères (Zinedine Soualem, Yvan Attal) dépassés par les événements. Grâce surtout, au regard empathique que porte la réalisatri­ce sur ces familles en détresse. Loin des jugements à l’emporte-pièce et des clichés habituels. Un film beau, juste et utile à la fois. C’est rare.

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