Tim Burton: «Normal est un mot étrange»
De Tim Burton (USA). Avec Eva Green, Asa Butterfield, Samuel L. Jackson. Durée : h . Genre : Fantastique Notre avis :
Président du jury de Cannes 2010 (Apichatpong Weerasethakul lui doit sa Palme d’or), Tim Burton est l’un des cinéastes les plus singuliers en activité. Il imprime sa marque sur tout ce qu’il touche, de Batman à Alice au pays des Merveilles. Avec Miss Pérégrine et les enfants particuliers, il renoue avec son genre de prédilection: le conte pour enfants détourné en film pour adultes. C’est allongé sur le divan d’un palace parisien qu’il a répondu aux questions sur son imaginaire débridé…
Le livre de Ranson Riggs semble avoir été écrit pour que vous l’adaptiez… C’est vrai que je me suis senti totalement connecté avec ses thèmes et ses personnages, dès que je l’ai lu. J’ai adoré cet univers. La construction du récit, autour de vieilles photos, a tout de suite attiré mon attention puisque j’en fais moimême la collection. J’ai toujours été fasciné par les histoires qu’elles racontent… Personnellement, je ne me sentais pas étrange mais comme tout le monde me disait que je l’étais, au bout d’un moment j’ai fini par le croire. C’est assez triste, quand on y pense. Heureusement, quand on grandit, on rencontre d’autres «personnes particulières» et on se rend compte qu’elles sont intéressantes, que finalement, ce n’est pas si mal d’être un peu diffèrent. Et puis c’est quoi, au juste, être «normal»? Personnellement, j’ai toujours trouvé ce mot étrange.
D’où vous vient ce goût pour les monstres et le gothique? Probablement des films que je regardais dans mon enfance à Burbank. C’était une banlieue très blanche et lumineuse, mais moi j’adorais regarder des films de monstres en noir et blanc. Il paraît que je les regardais avant de savoir marcher. Je devais ramper devant! (rires). En tout cas, je ressentais fortement la poésie qu’ils dégageaient. Les monstres étaient les créatures pour lesquelles j’avais le plus d’affection, alors que les personnages humains me faisaient peur. J’aimais les ombres que projetaient ces films sur les murs de mon imaginaire. C’étaient des images extrêmement puissantes. Comme celles d’un rêve dont on ne conserve que quelques bribes au réveil…
La scène des squelettes est-elle inspirée de Jason et les argonautes ? Totalement! C’est un des premiers films que j’ai vus au cinéma et cette scène est probablement celle qui a le plus influencé mon cinéma. La refaire n’était pas prévu au scénario. Mais quand j’ai vu les squelettes dans le décor, je n’ai pas pu m’empêcher de la tourner. C’est certainement un compliment dans l’esprit de ceux qui l’emploient. Mais il me rend un peu triste. Sans doute parce que j’ai mis ans à passer du stade de créature à celui d’être humain et que ce terme me renvoie à ma supposée étrangeté. J’aspire à rester humain. Mais la tristesse continue de m’habiter, je ne sais pas pourquoi.
Eva Green en Miss Pérégrine, c’était une évidence? Assurément. Elle a cette beauté étrange que je recherchais. Je la crois tout à fait capable de se transformer en oiseau! Elle seule pouvait incarner Miss Pérégrine.
Si vous aviez, comme elle, le pouvoir d’intégrer une boucle temporelle, laquelle choisiriez-vous? Je me téléporterai dans les studios japonais qui ont créé le premier film de Godzilla ,jeme débrouillerai pour enfiler le costume du monstre et je détruirais Tokyo.
Le don d’enfant particulier que vous aimeriez avoir? En ce moment précis? L’invisibilité !