Monaco-Matin

La traversée des Alpes pour une famille... et ses ânes !

Pendant quatre mois, Philippe et Mélanie Bapst ont traversé avec Elsa, leur fillette de 2 ans, ce massif montagneux de la frontière italo-autrichien­ne jusqu’à Menton. Récit d’une histoire pas comme les autres...

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Au fin fond du parc du Pian, leur tente orange se distingue dans la perspectiv­e des oliviers centenaire­s. Juste à côté, une botte de foin fond comme neige au soleil, dévorée par les «crocs» aiguisés de deux ânes. «Alors lui, c’est Zorba et l’autre c’est Loukoum. De vrais Rolls-Royce », présente Philippe Bapst, barbe hirsute et tenue de randonnée en guise de pyjama. Sur la table en bois, un petit-déjeuner copieux attend sa femme, Mélanie, et sa fille, Elsa, tout juste deux ans, à la crinière d’un blond immaculé. Festin bien mérité après plus de quatre mois de traversée des Alpes. Une « balade » de 1 500 kilomètres à travers des paysages montagneux somptueux. Jusqu’à la grande bleue et… Menton. «Enfin, on voit la mer! Depuis le temps qu’on lui en parle à la petite», lâche la maman entre deux bouchées.

« Moins de fil à retordre que les ânes »

Il faut dire que le périple, amorcé le 3 juin au départ de Cortina d’Ampezzo en Italie, a été épique pour ces deux randonneur­s aguerris. Mais quand on baroude avec un bébé en bas âge sur des chemins rocailleux, l’aventure pédestre a forcément une autre saveur. «Elle était soit sur mon dos, soit à dos-d’âne. Après, elle faisait sa petite vie. Mais, je tiens à dire qu’elle nous a donné moins de fil à retordre que les ânes. », se marre Philippe, avec son accent si singulier. Un jour, les deux braves compagnons prennent la poudre d’escampette. La mairie de Menton a autorisé la petite tribu à planter sa tente dans le parc du Pian.

Un autre, il faut trouver d’urgence un maréchal-ferrant pour ferrer leurs sabots. Et puis, il y a ce jour de juillet aux relents quasi tragiques. Zorba, le peureux de la bande, tombe dans le lac en voulant éviter un passage escarpé dans les Grisons. Emporté par le courant, il termine sa folle embardée sur une plate-forme en béton. Immobile mais vivant. « Il a fallu l’hélicoptèr­e pour le dégager. Une partie du matériel spécifique était

détruite et lui était trop secoué pour continuer.» Retour à la case départ. A Gruyères (Suisse), dans le cocon familial. Loin d’en faire tout un fromage, la famille laisse la bête se requinquer. « On avait peur de finir sur cette fausse note, se souvient Mélanie. Mais le vétérinair­e l’a ausculté, il n’avait, heureuseme­nt, que des petits hématomes. Nous sommes repartis au bout de trois semaines de repos. »

«Onaeuune bonne étoile »

Ce sera le seul vrai pépin de cette grande traversée des Alpes. Le couple suisse ne garde dans l’esprit que les moments uniques. La neige en plein été, à 2300 mètres d’altitude, dans le Queyras. Ces marmottes qui viennent s’acoquiner avec les bouquetins. Ces lacs d’un bleu turquoise. Ces bergers qui leur laissent les clefs d’une maison, à trois heures de marche, pour se protéger des caprices de Dame Nature. «On a eu une bonne étoile, reconnaît Philippe. Ona rencontré les bonnes personnes au bon moment. Ce qui nous a marqués, c’est la gentilless­e des Italiens. Un matin dans les Dolomites, une vieille dame s’est mise à pleurer quand on lui a raconté notre histoire. Elle nous aurait tout donnés, c’était incroyable!» Souvent seule au monde, la famille Bapst a pu compter sur la bonté de ses rencontres. Toujours une porte ouverte pour partager un repas. Toujours un endroit où prendre une douche et faire une lessive. « Parfois on ne savait pas où on allait dormir, ni quel itinéraire emprunter. On ne voulait pas dépendre des horaires! Et si des locaux nous conseillai­ent un chemin qui valait le coup, on fonçait» , raconte une Mélanie éreintée, mais épanouie par quatre mois de randonnée. Lundi, Philippe retournera gagner sa croûte au boulot. Il ne grimpera plus sur la cime des montagnes mais sur le toit des maisons, comme charpentie­r. Un dur retour à la réalité après ces semaines à bourlingue­r dans ce que la nature a conçu de plus beau. « C’est surtout pour la petite que ça va être délicat. Elle avait l’habitude d’avoir son papa et sa maman à côté, non stop».

Parcours : Dolomites, Grisons, Mont-Blanc, Le Beaufortai­n, La Vanoise, Le Queyras, Le Mercantour, Menton.

 ?? (Photo Michaël Alési) ??
(Photo Michaël Alési)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco