Les migrants investissent une propriété privée
Lundi soir, une soixantaine de réfugiés ont investi de façon illégale un terrain de Saint-Dalmas-deTende. La préfecture dénonce une double illégalité et les élus appellent au «démantèlement»
L’obscurité s’épaissit graduellement derrière les marronniers drapés de mousse. D’un côté, un groupe se lance dans une partie de football dans une allégresse enfantine. D’autres se réunissent en rond dans un conciliabule secret, alors que quelques-uns s’acheminent avec des packs de pommes vertes et une citerne d’eau sous le bras… Hier, en fin de journée, la vie s’est organisée paisiblement au camp d’accueil provisoire de Saint-Dalmas-de-Tende. Lundi soir, un collectif d’associations, dont «Roya Citoyenne» a investi le domaine des Lucioles, une ancienne colonie de vacances désaffectée appartenant à la SNCF, située à quelques mètres de la gare. La quarantaine de membres de «Roya Citoyenne» a proposé des médicaments, des duvets, des matelas et de la nourriture à soixantedix migrants - pour la grande majorité d’origine érythréenne - arrivés d’Italie.
Un afflux de migrants inquiétant
«La situation des réfugiés est dramatique. De nombreux habitants de la vallée se mobilisent pour les accueillir mais ce n’est plus assez. L’État, les pouvoirs publics… tout le monde se débine! Nous, on voudrait simplement qu’un lieu d’accueil soit créé pour concentrer la solidarité, mais on nous le refuse!», résume Henri Paicheler, membre de l’association. En effet, le conseil départemental a adopté le 22 septembre dernier, une motion rejetant l’implantation de «mini-jungles» sur le territoire. Hier, une partie des réfugiés avait pris la fuite dans la nuit. Par peur de représailles. Peur d’être renvoyés. Peur du cycle sans fin. Ils étaient encore une soixantaine hier. Depuis la fermeture des frontières en 2015, la vallée de la Roya connaît un afflux de migrants sans précédent. Certains prennent des risques
inconsidérés comme une Érythréenne décédée au début du mois après avoir été percutée par un semi-remorque sur l’autoroute, près de la frontière française (NiceMatin du 8 octobre dernier).
«Sur la route en tongs à... m d’altitude»
«Il y a quelques jours, j’ai recueilli deux migrants qui marchaient au bord de la route en tongs. Ils étaient à 2500 mètres d’altitude près de Castérino. Vous imaginez avec le froid qui arrive?», relate dans une brusque expiration sifflante un habitant de la vallée venu soutenir le mouvement. Un autre riverain a recueilli une soixantaine de réfugiés chez lui sous des tentes. «Avec les intempéries et l’hiver qui arrive, il fallait trouver une solution pour les mettre au sec. On ne peut pas laisser des êtres humains dans une telle détresse.» Depuis un an et demi, Camille et
Alain, habitants de Saint-Dalmasde-Tende, ont accueilli une centaine de migrants chez eux. «On ne se dit pas que c’est peut-être illégal. On se dit juste que l’on doit les sauver.» Parmi les migrants, il y a des Érythréens, des Soudanais, des Éthiopiens… des adultes, mais aussi des mineurs étrangers isolés. Ils seraient 29 sur le camp de SaintDalmas-de-Tende. «Ces jeunes qui se présentent seuls aux frontières françaises doivent être admis sur le territoire sans condition», rappelle Martine Landry, responsable «Amnesty International», chargée de la frontière italienne et du relais réfugiés de Nice pour l’ONG. Or, selon le collectif, certains mineurs étrangers isolés seraient reconduits à la frontière. « De plus, les structures d’accueil comme celle de Valbonne sont complètement saturées!», souligne Valérie Tomasini, conseillère départementale d’opposition front de
gauche. De son côté, la préfecture rappelait que 1500 mineurs étrangers isolés avaient été accueillis sur le département l’an dernier. «Mais c’est une notion difficile à apprécier surtout lorsque les migrants n’ont pas de titre d’identité.»
Les élus appellent au démantèlement du camp
Par voie de communiqué, Eric Ciotti, président du département, a appelé le gouvernement «à faire respecter la loi en procédant sans délais au démantèlement de ce camp illégal, en expulsant ses occupants et en poursuivant les associations à l’origine de cette action.» Christian Estrosi, président de la Région a également demandé le démantèlement. «L’irresponsabilité d’associations militantes ne doit pas faire oublier le droit des habitants et le respect des élus locaux.» Tout comme Laurence Boetti-Forestier, conseillère régionale Paca et membre du conseil municipal de Breilsur-Roya. «Car cette situation risque d’alimenter les tensions et de constituer un appel d’air à l’immigration.» Ou comme le député-maire de Menton, Jean-Claude Guibal, pour qui «ce type d’action est une incitation à l’immigration clandestine, à des flux incontrôlés et à la réactivation des réseaux de passeurs.» Hier soir, les membres de « Roya Citoyenne» demandaient aux gendarmes présents, l’asile pour les majeurs, la prise en charge et un lieu d’accueil pour les mineurs. La préfecture, elle, constatait surtout deux illégalités: «La présence de personnes en situation, a priori irrégulière, et la violation d’une propriété privée». Un référé devait être déposé par la SNCF dans la journée d’hier. Pour une probable expulsion dans les heures à venir…