« Il ne faut pas avoir peur »
Jean-Pierre Dick prend demain le départ de son quatrième Everest des mers. A la veille de s’élancer pour un tour du monde de 80 jours, il évoque le quotidien, en course, d’un skipper solitaire
Pour « JP » Dick, leVendée Globeadéjà commencé. Le Niçois s’attaqueraofficiellementàson quatrième Everest des mers, demain, à l’issue d’un départ programmé à h. Officieusement, le skipper de St Michel-Virbac est déjà en course depuis une semaine. C’est simple, l’Azuréen n’a pas une minute à lui. Entre les derniers réglages et une interview pour ITélé, l’hommede ans, qui rêve d’un podium après sa place en , est déjà plongé dans son Vendée. Il a tout de même pris le temps de raconter ses trois prochains mois. Ceux d’un quotidien en mer qu’il connaît si bien, entre manque desommeil, plats lyophilisés et solitude.
Jean-Pierre, jours de solitudeenmer se profilent, comment tuer l’ennui ? Il n’y a pas beaucoup d’ennui. Le cerveau est toujours orienté vers quelque chose à régler. L’attention sur le bateau est permanente. Vous êtes davantage abruti par ce temps passé dans les réglages que par l’ennui.
On a les chiffres de la vitesse du bateau, du vent ou la direction de ce vent dans la tête. J’aurai justeun ras-lebol de devoir consulter tous ces chiffres par moments.
Comment évacuer cette lassitude ? Il faut être capablede s’extraire, de lâcher prise. Pour ça, j’emportede la musique, des livres. J’ai amené une liseuse, même si jem’aperçois que j’ai peude temps pour lire sur unVendée. En -
, jen’avais quasiment lu qu’unbouquin. J’aurai avec moi une trentainede livres cetteannée. Généralement, je rentre rapidement dans des biographies contrairementàdes romans qui sont plus longs. Là, j’ai amené celles de Michel Berger ou de Cristiano Ronaldo. J’ai des textes légers et d’autres plus sérieux. Le parrain du bateau c’est Erik Orsenna. Vous imaginez donc que j’ai un bon conseiller. Niveau musique, j’écoute de la pop- rock des années tout en regardant les chiffres. C’est pasmal de U, Simple Minds, de quoime rappeler mon enfanceetmon adolescence.
« Je vais perdre kg de muscles au niveau des jambes »
Vous délaissez le cinéma ? Je n’amènepas de films. Ils ont un côtéprenant et le fait d’être absorbé peut vous empêcher de voir les choses qui se passent dehors. Je vais dormir entre het h par jour et selon trois tranches d’h-h. Avoir un sommeil réparateur et profond sera nécessaire. Sinon vous ne tenez pas trois mois. Même si le moteur du sommeil reste lamer et le vent, il faut savoir s’écouter et dormir quand le corps enabesoin.
Les repas sevoudront frugaux... Je sélectionne les meilleurs plats lyophilisés au monde. Avec ça, j’ai quelques salades en boîtepour prendreunpeu de fibres et du chocolat. Je mange beaucoup, je suis grand (,m, ndlr) et dans le grand sud il fait froid. L’alimentation est donc un moment de plaisir important. J’emmène un peuplus de kg de nourriture. Je mangerai trois repas par jour, accompagnés de deux collations (une le jour et une autredenuit). Malgré ça, je vais perdre kg de muscle au niveau des jambes.
Vous vivrez les fêtes de Noël en mer… Oui et je ne sais pas comment ça va se passer. Mon équipe et ma famille, que j’appellerai trois fois par semaine, me réservent des surprises. C’est cequi fait le charme de ce moment-là parce c’est une fêtedifficile pour nous. On n’est pas en famille et on se retrouve dans la grisaille et le grand sud. C’est très austère. Le coup de fil à la famille c’est sympa mais quandon raccroche, on retournedans l’univers liquideet, là, c’est beaucoup moins marrant.
La peur est un sujet tabou pour de nombreux skippers. Chez vous aussi ? Ce n’est pas tabou pour moi. Il ne faut pas avoir peur, même si des craintes peuvent survenir. J’ai eu peur de mourir une fois. Ce n’était pas sur le Vendée mais en . Jedevais réparer un truc à l’avant du bateau, dans les vagues, sans pouvoir vraimentme protéger.