Les quartiers sensibles en débat à « Nice-Matin »
Pour clôre notre dossier « Comment casser les ghettos ? », une trentaine de personnes ont participé à un échange vivant avec nos journalistes. Pour sortir des clichés. Et se dire la vérité
Il faut faire tomber les tours. Mais surtout celles qui sont dans les têtes ! » A Nice, Faouzia Maali a créé il y a dix ans AMICA (Amitié intercommunautaire du quartier Ferber-l’Arénas-Saint-Augustin). Une association pour s’occuper des enfants et des ados. Et notamment prodiguer de l’aide aux devoirs dans des cités où l’école et la famille sont parfois défaillantes. Pour elle comme pour les trois autres intervenants de la soirée, la rénovation urbaine ne suffit pas : « Il faut faire des quartiers à taille humaine » , pose d’emblée Sami Raouafi, chef d’entreprise de l’Ariane, qui anime un réseau d’entrepreneurs, Nice Ariane Développement, sous l’impulsion de l’ancien directeur de Lapeyre Alain Meinardi. Dont l’ob- jectif est de conseiller et d’insérer des jeunes vers l’emploi, en travaillant notamment sur l’estime de soi ou l’aide aux CV. Car il leur manque parfois le vocabulaire, le savoir-vivre... ou les réseaux.« Un taux de réussite de 64 % ! », se félicite-t-il, après avoir notamment aiguillé des jeunes en intérim, mais pas seulement. « Pourquoi on n’a pas mis des millions pour soutenir les entreprises au lieu de se contenter de refaire les immeubles, ce qui est déjà bien » , demande-t-il encore. « Ici, les gens veulent surtout du boulot ! ».
Travailler sur le long terme
Dans certains quartiers sensibles de la région Paca, le chômage des jeunes dépasse 50 %. Philippe Danae, 58 ans, travailleur social, renchérit dans le public : « Depuis les années quatre-vingt, on a ethnicisé les problèmes sociaux. Je dis souvent aux gamins qui m’expliquent que leurs problèmes viennent du fait qu’ils sont arabes et musulmans : à Monaco, les gens qui viennent des Emirats peuvent se balader tranquillement, non ? La différence entre eux et vous, c’est l’argent ! ». A ceci près qu’aujourd’hui, l’islam devient parfois un refuge pour des jeunes en quête d’identité. Jean- Paul Munoz, directeur de la MJC centre so- cial Coeur de Ranguin, à Cannes, travaille sur le « long terme ». Et rappelle que la lutte contre la délinquance ou le chômage incombent d’abord aux pouvoirs publics et pas uniquement aux bénévoles des associations (certains ont d’ailleurs regretté que nous n’ayions pas invité d’élus politiques). Dans le club de foot de son quartier, les éducateurs inculquaient à près de 500 jeunes les valeurs de respect, reléguées un jour au second plan. « Après la victoire en Coupe du Monde en 98, on a fait croire à tous les gosses des cités qu’ils allaient devenir des Zidane ! Cela a créé de la frustration. C’est quoi l’ambition pour nos jeunes, devenir tous millionnaires ? Je ne crois pas que ce soit très positif... » Moussa Ba, 34 ans, est un môme des Liserons. Il a écrit deux livres sur son quartier, lancé sa marque de vêtements. Et s’est même lancé en politique... Il conclut : « Dans les quartiers, on veut du concret ! ».