La légende Bébel nous raconte ses mémoires
À 83 ans, la star a enfin accepté de raconter sa vie trépidante, d’homme comme d’acteur. Habitué de la Côte d’Azur, le Professionnel a accepté de nous recevoir chez lui à Paris
Il vous tend le poing gauche aux doigts constellés de bagouses. Sourire bienveillant. Sa façon de vous saluer chaleureusement, depuis qu’un accident vasculaire cérébral a immobilisé sa main droite. Amoindri, mais toujours magnifique… À 83 ans. Confortablement installé dans un fauteuil de cuir, Jean-Paul Belmondo conserve cette aura qui émanait déjà du jeune premier, bien avant que l’acteur ne devienne monstre sacré. À côté de lui, à portée,
L’Équipe, que ce passionné de sport n’a jamais cessé de lire depuis sa création en 1946. Même si l’heure n’est évidemment plus aux cascades. Dans l’appartement cossu du 7e ar- rondissement de Paris où il nous reçoit, trônent à la fois le Lion de la Mostra de Venise et la Palme de Cannes. Derniers honneurs en or, décernés à son incroyable carrière. Pour la première fois,
l’homme de Rio aux plus de 80 films, accepte de faire un travelling arrière sur sa vie. Sans ralenti !
Du théâtre au box- office cinéma
Son autobiographie, Mille vies valent mieux qu’une (Fayard) ( 1), est un tourbillon. La trajectoire prodigieuse d’une vedette du 7e art, qui a surfé sur la Nouvelle Vague et ses films d’auteurs avant de devenir l’un des acteurs les plus populaires et les plus « bankable » du cinéma français. Tête d’affiche au nez cassé, dont le nom Belmondo écrit en gros suffisait souvent à remplir les salles par millions. Quel que soit le scénario. Un héros, auquel se sont identifiées plusieurs générations. Une star parfois égratignée par la critique, toujours acclamée par le public. Mais aussi un garnement indiscipliné qui trouva d’abord sa planche de salut au théâtre. Entre deux coups de poings sur un ring, ou dans une bagarre de bistrot, lever de rideau… Un premier rôle qui ne s’est jamais pris au sérieux. Parce que l’existence est trop courte pour ne pas envisager le rire. Déconneur né, pour lequel l’art dramatique ne dure que le temps d’une scène (et encore !). Qui transformait systématiquement ses lieux de tournage, en plateaux de comédie. Potes et blagues potaches. Jamais à bout
de souffle quand il s’agit d’en inventer une bonne. Acteur, oui, mais les copains d’abord. Marielle, Rochefort, Cremer… et autres mousquetaires du Conservatoire. Belmondo, flambeur façon Gui
gnolo. À Marseille, il côtoya le « samouraï » Delon, meilleur rival de sa génération. Borsalino, avant de jouer au flic ou voyou sur la Côte d’Azur. Un séducteur à la gueule de boxeur, qui tint quelques-unes des plus belles femmes dans ses bras musclés. Un comédien insensé et passionné qui fit de son retour sur scène avec Kean, un véritable coup de théâtre. Son AVC de 2001 a ralenti la course effrénée de ce Pierrot le
fou, qui roulait à tombeau ouvert au volant de belles décapotables. Mais l’homme et son
chien, que l’on avait croisé claudiquant, appuyé sur une canne le long de la Croisette, a su relever ce gant-là aussi. À Paris, sa chienne Chipie est là, qui aboie et glisse sur le parquet, avant de se flanquer aux pieds de son maître. On sonne. Arrive le fidèle Charles Gérard, qui ne rate pas un déjeuner avec son ami. Et puis Maître Godest, l’avocat de toujours.
Le sens de la famille
L’entretien se déroule sous le regard, plein de respect et d’amour, de son fils Paul. De ses origines siciliennes, Jean-Paul a gardé le sens de la famille. Les Belmondo sont un clan uni. Patriarche à crinière blanche, Jean-Paul se tient désormais à l’écart des projecteurs du 7e art. Il paraît avoir définitivement tiré le rideau sur le théâtre. Quoi que… Avec l’As des as, on ne sait jamais. Le livre remet à la fois l’acteur et l’homme en pleine lumière. Alors certes, Belmondo n’est plus à l’affiche. Mais Bébel est éternel…