« Levens n’est pas la Sicile »: ambiance en correctionnelle
Le maire de Levens, Antoine Véran, était jugé hier à Nice pour favoritisme. Un procès tendu, dans un climat délétère. Les uns plaidant la culpabilité, les autres la relaxe
Lemairede Levens (LR), Antoine Véran, 67 ans, était jugé hier par le tribunal correctionnel de Nice présidé par David Hill. Deux ans d’interdiction d’exercer une responsabilité publique ont été requis contre lui, ainsi que 20000 euros d’amende. Des réquisitions assez lourdes. « Cela m’inspire du dégoût, du mépris et le non-respect d’un bilan que personne ne conteste », a commenté Antoine Véran à la sortie de l’audience. En 2012, neuf habitants avaient porté plainte à son encontre pour des faitsde favoritisme. Selon ces administrés, dont des élus d’opposition, le premier magistrat levensois a favorisé la société « La Nouvelle Sirolaise de construction » pour l’attribution d’un bail « fort sympathique ». Objet du litige: l’exploi- tation au Fond de Linier d’un site pour le traitement et la valorisationdes déchets inertes. Une entreprise avec laquelle Antoine Véran a noué des liens particuliers, mêmes’il a eu du mal à l’admettre hier. « Qui était lepatron de la Sirolaise pour vous? », interroge David Hill, avançantàdécouvert sur la partie favoritisme. Le maire, fermé et laconique, mains crispées sur la barre: « Un entrepreneur. » Le président, insistant: « Mais qui encore, au-delàdevos liens professionnels? » Le maire esquive: « Je n’ai pas de lien de parenté. »
« Le fantasme de la mafia des déchets »
Colère froide du président: « Je ne vous parle pas de lien de parenté. Qu’avez-vous dit en garde à vue?! » Antoine Véran cède: « C’est un ami. Une vraie amitié. » Le fils d’Antoine Véran est par ailleurs associé avec le patron de la « Nouvelle Sirolaise de construction » dans une société agricole. Voilà pour la coloration de favori- tisme. Notons qu’aucun début de preuve ne sera apporté dans les débats d’un quelconque enrichissement personnel. « Dans ce dossier traîne le fantasme des petits arrangements entre amis, de la mafia des déchets, or Levens n’est pas la Sicile », assèneMe NathalieLaurent, avocate du maire. Le procèsadonné lieu àune âprebataille juridique, parfois incompréhensible pour lecommundesmortels. Objectif: déterminer si avantage ilyaeu, ounon, pour la Nouvelle Sirolaise de construction. Ou pour déterminer si lacommuneaété lésée. Lesopposantsaumairesont là en rangs serrés. Ariane Masséglia (gauche municipale) tentemêmeune photo. Et hop, smartphone confisqué par le procureur le temps de l’audience. Ambiance… De quoi donner du grain à moudreàl’avocate du maire de Levens qui plaidait la relaxe. Elleadénoncé une « décharge de haine », un « acharnement politique » de la part des opposants. Écartant au passage l’idée d’un avantage injustifié obtenu danscedos- sier et invoquant en premier lieu la prescription des faits. « On appelle mes clients l’opposition, mais ce sont des contribuables. Ils le font dans l’intérêt de la communepas dans leur propre intérêt », rétorque Me Anna-Karin Faccendini, avocate des parties civiles. « Le seul qui pouvait avoir un intérêt dans ce dossier, c’est M. Véran », plaide-t-elle, moquant son attitude à la barre: « Il s’exprime bien, remercie tout le monde, on a l’impression qu’il est en campagne. » Le procureur a requis, à l’encontre du maire de Levens, deux ans d’interdiction d’exercer une fonction publique, ainsi que 20000 euros d’amende. Le jugementaété mis en délibéré. Il sera rendu en décembre.