Comptesàrégler
Le procès de l’affaire « mains propres », un tentaculaire dossier– mêlant élus, promoteurs, mafia... – lié à la construction de l’ultra-luxueuse tour Odéon à Monaco, s’ouvre demainà Marseille. Plongée en eaux troubles.
Il est à peine plus de cinq heures du matin, ce 24 novembre 2009, lorsqu’une caravane de voitures banalisées franchit le lourd portail du commissariat Auvare, à Nice. Après deux ans d’investigations menées dans le plus grand secret, les enquêteurs de la police judiciaire et du GIR (1) viennent de passer à l’action. Depuis lors, il aura fallu sept longues années supplémentaires à la justice pour boucler enfin l’affaire « mains propres ». C’est ainsi qu’a été baptisé ce tentaculaire dossier politico-financier sur lequel va se pencher, à partir de demain, le tribunal correctionnel de Marseille. L’audience doit durer deux semaines. Le temps nécessaire pour permettre aux onze prévenus de s’expliquer sur les faits de « corruption », de « blanchiment » ou encore de « fraude fiscale » qui leur sont reprochés. Parmi eux figurent les promoteursmonégasques de la plus haute tour de la principauté, Claudio et Paolo Marzocco, le maire de Beausoleil, Gérard Spinelli, l’épouse et l’une des filles de feu le sénateur-maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat, René Vestri, ainsi que des entrepreneurs azuréens ayant pignon sur rue, tel que AngeRoméo Alberti. Cet Italo-Monégasque, surnommé « Lino », est au coeur de ce vaste dossier qui comporte plusieurs chapitres.
De la tour Odéon…
Le premier volet judiciaire s’intéresse à laconstruction de la tour Odéon, le plus haut building de la Principauté avec ses 49 étages et ses 170 mètres de haut. De quoi faire de l’ombre à Beausoleil, la petite commune voisine de ce programme immobilier 100% monégasque. Son maire aurait touché des pots-de-vin pour ne pas entraver le chantier, qui s’est finalement achevé en avril 2015. C’est en tout cas la thèse de l’accusation qui n’a d’ailleurs pas hésité, en dépit de ses fonctions électives, à leplacer en détention provisoire durant quatremois. Pour autant, l’élu de Beausoleil a toujours nié toute corruption. Il appartient désormais au tribunal de trancher. Les juges vont également se pencher sur l’autre gros volet de ce dossier.
...à la presqu’île des milliardaires...
Le second chapitre de l’affaire « mains propres » a pour toile de fond la presqu’île des milliardaires, Saint-Jean-Cap-Ferrat. Mais l’un des principaux protagonistes reste Lino Alberti. L’homme est officiellement à la retraite. Il a vendu ses parts dans la société deBTP qui portait son nom. De quoi mettre à l’abri du besoin cet enfant de La Brigue qui s’est construit tout seul. Sa carrière, il l’a commencée comme bûcheron, avant de devenir serveur. De ce temps-là, Linoa gardé quelques amitiés, pas forcément très recommandables. C’est d’ailleurs ens’intéressant à l’une d’elles– unNapolitain que les services suspectent depuis longtempsd’être l’ambassadeur de laCamorra sur la Côted’Azur– que les enquêteurs ont découvert lepot aux roses (lire pages suivantes).
...en passant par la Suisse
La PJ n’a désormais plus d’yeux que pour Lino. Ses déplacements sont suivis, ses conversations écoutées. De fil en aiguille, l’enquête conduit donc à Saint-Jean-Cap-Ferrat et à son maire. Le sénateur Vestri est un vieil ami de l’entrepreneur italo-monégasque. Il semble avoir confiance en lui et n’hésite pas lui demander quelques « services ». Comme calmer à coups de billets les entrepreneurs qui râlent de n’avoir toujours pas été payés pour les travaux réalisés dans la villa de l’une de ses filles, ou comme conduire l’autre des filles Vestri jusqu’en… Suisse. Au travers de cette très longue instruction, les enquêteurs ont découvert un dédale de sociétés offshore et de comptes. Durant les prochains jours, les magistrats vont donc s’employer à tracer l’argent, plusieurs millions d’euros, pour en découvrir l’origine… délictuelle ou non. Là est la question. 1. Groupement d’intervention régional.