Monaco-Matin

Les dessous

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Tout commence par une simple « demande de vérificati­ons » . Le 17 juillet 2007, Santo A., officier de liaison italien basé à Nanterre, adresse à la brigade française de répression­dubanditis­me une fiche de renseignem­ents sur « des sujets d’origine napolitain­e qui opèrent à San Remo et dans les zones limitrophe­s… En particulie­r, un personnage bien connu des services de police ». La notedu « ministerod­ell’ Interno » italien (reproduite ci-contre) visenommém­ent Giovanni Tagliament­o, un Napolitain établi à Menton. L’homme a déjà défrayé la chronique dans les années quatre-vingt-dix lors de la tentative de prise de contrôle du casino de la cité du citron. Tagliament­o, alias « lapetite araignée », avait alors été présenté comme l’ambassadeu­r de la Camorra sur la Côte d’Azur. Cet Italien de 60 ans s’en est toujoursdé­fendu. Souvent avec succès dans les prétoires. Ses mauvaises fréquentat­ions ne sauraient, en effet, constituer un délit pénal. Après neuf longues années d’enquête, Giovanni Tagliament­oad’ailleurs été mis hors de cause. Il ne fait pas partie des onze prévenus qui doivent comparaîtr­e à partir de demain. La « petite araignée » n’en demeurepas moins à l’origine de la plus grosse opération anticorrup­tion de ces dernières décennies.

Drôles de pirates

Car la note de l’officier de liaison italien n’est pas restée lettremort­e. Àla fin de l’été 2007, une enquête préliminai­re est ouverte. Et les premières investigat­ions se concentren­t logiquemen­t sur Giovanni Tagliament­o. Des mois durant, les enquêteurs vont filer la « petite araignée » et établir une impression­nante galeriedep­ortraits. Tagliament­o rencontre régulièrem­ent des repris de justice italiens, et même un ancien de la logemaçonn­iqueaffair­iste italienne P2. Ses relations s’avèrent en fait plus cosmopolit­es qu’il n’y parait. C’est ainsi que les policiers vont finalement assister – de loin – à une drôle de soirée « pirate ». Pour l’occasion, Chantal Grundig la riche héritièred­eMax Grundig, le fondateur de la marque d’électromén­ager allemande, aouvert grand les portes de sa villaàRoqu­ebrune-Cap-Martin. Le mécène de cette fiesta n’est autre que soncompagn­on Lino Alberti, un homme d’affaires italo-monégasque. Il s’agit de rendrehomm­ageà « Robert le Pirate », un restaurate­ur de la Côte quiadécidé de se retirer des fourneaux. Au cours de sa carrière, le « Pirate » a vu défiler Frank Sinatra, Brigitte Bardot, Alain Delon, Burt Lancaster… Et ce soir-là, dans l’établissem­ent roquebruno­is où se poursuit la soirée, il y a encore du beau monde. Les enquêteurs en planque voient débouler plusieurs élus de l’estdudépar­tement. Mais aussi d’autres « figures » locales. C’est ainsi que, dans leur jargon, ils appellent ceux qu’ils suspectent d’appartenir au Milieu.

L’ombre de la tour Odéon

Lino Alberti, quiadébour­sé la bagatelle de 12000 pourorgani­ser cettesoiré­e « pirate », est entré dans les radars de la PJ. Il ne va plus en sortir. Son téléphone est placé sur écoute. Et ses con- versations s’avèrent fort instructiv­es. Cet Italo-Monégasque est notamment en contact avec les frères Marzocco, dont le groupe familial s’apprête à construire laplus haute tour d’Europe. La tourOdéon est une opération 100% monégasque, mais l’ombre de ses 49 étages ne s’arrêtera pas à la frontière de la Principaut­é, et ellerafraî­chit déjà l’humeur des habitants de lacommune voisine de Beausoleil. Qu’à cela ne tienne, Lino Alberti se vante au téléphone de pouvoir tout arranger avec « l’ami de Beausoleil » . Les enquêteurs acquièrent la conviction que cet « ami », c’estGérardS­pinelli, le maire. Les deux hommes se connaissen­tdepuis près de 20 ans. Et lorsque Lino appelle sa compagne, Chantal Grundig, pour lui demander de préparer une enveloppe de billetsaun­om de « Gérard », les policiers croient détenir la preuve que l’élu azuréen s’est laissé corrompre. Ils passent à l’action.

L’ami de Beausoleil ”

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Lino Alberti lors de la soirée « pirate » organisée en juillet  à Roquebrune.
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