Dépôt de bilan
Le Président en exercice a cédé hier soir à la lucidité et renoncé à briguer un second mandat. Mortifié, la voix blanche, il a reconnu des erreurs, tout en défendant âprement son bilan
Au terme d’une allocution durant laquelle il a dressé l’inventaire du quinquennat, François Hollande a déclaré hier soir qu’il renonçait à briguer un second mandat présidentiel. Une décision sans précédent dans l’histoire dela Ve République.
C’est fou, ces derniers temps, ce que nos hommes d’Etat battus ou en passe de l’être savent faire preuve de dignité dans leur sortie. Après Nicolas Sarkozy, François Hollande a lui aussi réussi son pré-départ hier soir. Qui l’eût cru, ilyavait quelque chose de la geste gaullienne dans la façon dont le Président en exercice a annoncé ce qui s’apparente à une capitulation face à une adversité devenue irréversible. Il rentrera dans les livres comme le premier « souverain » de la Ve République à avoir renoncé à se représenter. Pour Hollande, plus encore que pour de Gaulle, qui avait quitté le pouvoir après l’échec de son référendum sur les régions en 1969, l’issue était il est vrai quasi inéluctable.
Plaidoyer pro domo
Longtemps, le chef de l’Etat a voulu croireque sa bonne étoile finirait par le requinquer. Qu’il était capable, une nouvelle fois, de revenir du diable vauvert, lui qui plafonnait à 3% d’intentions de vote quelques mois avant la primaire de la gauche, en 2011. Mais cette fois, le fardeau de l’impopularité était devenu trop pesant, l’hostilité trop aiguisée aussi, jusque parmi ses proches. Fran- çois Hollandeadonc dû se rendre à l’évidence d’une impopularité jamais égalée, qui lui interdisait toute perspective raisonnable. Le Président a été rattrapé par la lucidité, lui que rien, jamais, ne semblait devoir ébranler. Aupoint qu’on le croyait capable de tout, y compris de s’humilier en 2017. Hier soir, la voix était blanche, étranglée, à lamesured’unedésertion en rase campagne inédite. Jusqu’au bout, celui qui a été surnommé « Monsieur petites blagues » s’est pourtant amusé à dérouter, à jouer avec les nerfs des Français, des socialistes surtout. Dans un plaidoyer pro domo pour l’histoire, dont il pense sincèrement qu’elle lui rendra justice, il a d’abord tout fait pour laisser croire qu’il allait se représenter. Il a ainsi dépeint son bilan en rose vif : « Une France devenue plus juste » , « un modèle social conforté et élargi » , « des comptes publics restaurés » , « une sécurité sociale à l’équilibre » , « des moyens redonnés à l’école » , « des libertés nouvelles » et puis ce chômage en train de baisser, dont « les résultats arrivent plus tard que prévu mais sont là ». Dès lors, quand, après avoir « revendiqué des avancées, assumé des retards et reconnu des erreurs » , puis mis en avant les risques du projet porté par François Fillon, il a assuré « n’être animé que par l’intérêt supérieur du pays » , selon la formule éculée des ambitieux, nul ne doutait plus de sa candidature.
La gauche sauvable ?
Mais non, c’était pour signifier qu’il se sacrifiait sur l’autel du réalisme, pour éviter à la gauche les risques que son entêtement lui aurait fait courir. « Je ne peux me résoudre à ladisparitionde la gauche, à son éclatement » , a-t-il justifié. François Hollande aura réussi sa sortie, s’évitant une humiliation plus grande encoredemain. Même si c’en était une déjà, et quelle mortification, hier soir. Reste désormais à savoir à quel degré saprésidence aura fracassé la gauche. Et si elle peut encore espérer se relever de cette tranche d’histoire ravageuse, en moins de cinqmois chrono.