: des marins de chez nous
Alors que les États-Unis intronisent leur nouveau président, des marins azuréens et varois ont participé à la Guerre d’Indépendance qui a permis la création de ce pays
Le 13 avril 1778, les Toulonnais assistent au fascinant spectacle d’une flotte de douze navires qui quitte le port : Le Languedoc, le Tonnant, le César, le Zélé, l’Hector, le Guerrier, le Marseillais, le Protecteur, le Vaillant, le Provence, le Fantasque, le Sagittaire. Ces navires - dont beaucoup ont été fabriqués dans les chantiers navals toulonnais – offrent la vision superbe de leurs hautes silhouettes et de leurs voiles glorieuses, et s’éloignent majestueusement vers le large avant de disparaître à l’horizon. Ils partent pour l’Amérique. Le roi Louis XVI les a envoyés là- bas pour aider les futurs États-Unis à conquérir leur liberté dans la Guerre d’Indépendance qu’ils mènent contre les Anglais.
Des navires au départ de Toulon
Cette guerre a commencé en 1775 et a vu émerger la personnalité d’un général promis à un grand avenir: George Washington, futur premier président des États-Unis. Un Français célèbre est allé combattre à ses côtés: la Fayette. Mais des centaines de marins varois et azuréens anonymes ont
également aidé à ga- gner La capitulation anglaise à Newport.
cette guerre: ceux qui sont partis de Toulon en ce 13 avril 1778 sous le commandement général du comte Charles d’Estaing. En plus des douze grands navires, on compte également cinq frégates: l’Engageante, la Chimère, l’Aimable, la Flore et l’Alcmène. La plupart des navires sont commandés par des aristocrates de notre région. Ainsi le Fantasque a-t-il à sa tête le célèbre Pierre-André Suffren, bailli de Saint-Tropez. Le Vigilant est commandé par le marquis toulonnais Chabert de Cogolin, qui est à la fois marin et homme de science. Il a amené à borddes « horlogesmarines » de son inventionqui améliorent de manière considérable la localisation des
bateaux en mer. Le comte Jacques Melchior de Barras, capitaine toulonnais, cousin du redoutable révolutionnaire varois Paul Barras, commande, lui, le Tonnant. À la barre de l’Hector, se trouve le Toulonnais Pierre de Cheylan de Mories-Castellet et à celle du Sagittaire le comte François d’Albert de Rioms, futur directeur du port de Toulon. À cause des vents contraires, la flotte mettra trente-trois jours pour arriveràGibraltar. Mais, une fois atteint l’Atlantique, la flotte trace sans mal sa route et arrive début juillet au large de New York. Les choses sérieuses vont commencer. La ville étant défendue par douze mille hommes commandés par un certain général Clinton, notre amiral d’Estaing estime plus prudent de ne pas attaquer de front et, avec l’accord de Washington, décide de se porter plus au nord, à Newport, près de Boston. Là, le 5 août, il envoie par surprise dans l’un des chenaux qui mènent au port, le Fan- tasque et le Sagittaire, commandés par Suffren et Rioms.
morts et blessés
Àeux deux, ils sèment le désordre au sein de la flotte anglaise, incendiant plusieurs bateaux. Les choses commencent bien. Mais les renforts apportés par des navires anglais venus de New York obligent la flotte toulonnaise à se retirer. Elle se replie vers les Antilles, lesquelles constituent une base arrière pour la marine française. La flotte de d’Estaing profite de sa présence dans le secteur pour tenter, le 15 décembre, un débarquement en force sur l’île de Sainte-Lucie afin d’en chasser les Anglais. Initiative malheureuse! Les Français sont repoussés, laissant derrière eux quatre cents morts et mille blessés. Parmi ceux-là, combien d’hommes de notre région, issus de nos rivages et de nos campagnes, tombés sous les tropiques, dans ces îles du bout du monde dont eux-mêmes et leurs familles ignoraient jusqu’alors l’existence!