La fédération, entre euphorie et… soupe à la grimace
La fédération azuréenne du Parti socialiste avançait en ordre dispersé pour ce premier tour. Ce sera encore le cas au second. Patrick Allemand rallie Xavier Garcia derrière Manuel Valls
Chut, chut, taisez-vous! » … Mais le silence est relatif dans les locaux de la fédération départementale du Parti socialiste à Nice, pourtant pas franchement bondée. La soirée électorale de France 2 défile sur rétroprojecteur. Les résultats tombent. Et ça fait mal pour certains… Mais pas pour Yann Librati et Paul Cuturello. Ils s’enlacent. Leur candidat l’emporte. Et c’est inespéré. Même pour eux. « On savait qu’Hamon serait au second tour, mais en tête, même pour nous c’est une surprise », sourit Paul Cuturello. « On est heureux, très heureux même », poursuit son acolyte, porte-parole du vainqueur dans le département. « D’autant plus heureux que c’est une rencontre entre la gauche et Hamon, c’est une nouvelle voie pour la gauche. On est à la fin d’une séquence. Hamon veut changer le logiciel et ça a parlé aux gens. Il incarne l’espoir et la gauche a besoin d’y croire », s’enflamment les deux hommes.
« Je voterai Valls »
Au fond de la salle, Patrick Allemand est un peu sonné. Son candidat, Vincent Peillon, arrive quatrième. Mais loin derrière. « Les électeurs nous ont réservé, une fois de plus, une surprise. Ils ont choisi le candidat qui a avancé des idées nouvelles. Mais sans se poser de questions, sans se demander comment il allait les financer », souf-
« Onnenous a consultés sur rien »
« Il y aurait tant à dire » , soupireBruno. Ici, tout le monde sait que le quinquennat de FrançoisHollande a fait beaucoupdemal à l’électorat socialiste. Et personne ne se sent vraiment comptabledu bilan du président. « Il y a cinq ans, on a tracté, fait du porte-à-porte, et puis fle-t-il. L’élu niçois enchaîne: « Je crois qu’on est rentré dans un consumérisme politique. Hamon c’est la nouvelle tête, Valls avait le bilan du gouvernement à défendre et Montebourg était déjà là en 2011. » Il hésite, se demande si c’est le moment, puis, se lance: « Je voterai Valls… » Christine Dorejo, sa comparse au conseil municipal et mandataire de Peillon dans le département, a la déception plus réservée. Elle se tâte. Attendre, ou non, les recommandations de Paris pour parler? Et puis zut, elle ose: « Je pense qu’il n’y aura pas de soutien à l’un ou l’autre, mais une demande très forte d’une mobilisation pour le second tour. C’est très bon pour la démo- ÀSaint-Martin-du-Var, ils étaient deux assesseurs au bureaude votede laprimaire, qui centralise trois secteurs.
après, on ne nous a consultés sur rien » , poursuit Bruno. « Digue-des-Français, Saint-Isidore, ça vote beaucoup FN, et notre électorat se déplace peu… » , affirme Henri, pour cratie en interne, car on aura des partages de voix. Il faut légitimer celui qui sortira vainqueur » .
« Une bonne nouvelle pour Macron »
Patrick Mottard, lui, regarde ces résultats avec un certainrecul. Loin d’une grande joie, loind’unegrande déception. L’ancien conseiller départemental niçois estime que « la messe est dite » . « Cette primaire était le choix entre la gauche réaliste et la gauche protestataire. Cette dernière l’emporte et l’emportera à l’évidence au second tour. C’est plutôt une bonnenouvelle pour Emmanuel Macron », expose le radical de gauche. Derrière lui, ça s’agite.
tenter de justifier la faible affluence. Aussi parce que « la salle n’était pas facile à trouver, dit Karima. Les personnes âgées se sont perdues dans le quartier, parce que ce n’est « Hamon, président. Enfin, candidat! Président, on verra ». « Il n’a pas la carrure d’un chef d’État », susurre, en essayant d’être discret, l’un des élus présents. « Valls paie l’addition d’Hollande »…
« Le PS est debout »
Xavier Garcia, secrétaire fédéral, préfèred’abordcommenter la participation dans les Alpes-Maritimes. « Elle est à l’image du niveau national. Le PS n’est pas au meilleur de sa forme, mais il est encore debout. » Valls est en tête dans le département et c’est sa– petite – consolation. « Ce résultat montre qu’il y a deux lignes politiques, deux conceptions de ce que doit être la gauche. Je pense que l’on peut recréer une
pas un bureau de vote traditionnel. En 2011, on avait davantage de bureaux. » Le cas n’est pas isolé. Dans la file qui s’allonge à l’entrée de la salle Calmette dynamique derrièreValls », martèlet-il. « Il y a une réserve chez les abstentionnistes. » La Fédération se remplit peuàpeu. On se lâche… Librati et Garcia, les deux « jeunes », se titillent. « On va avoir le choix entre Valls, qui incarne la gauche du XXIe siècle, et le projet Hamon à 300milliards », galèje Garcia. Il se ressaisit: « On n’a pas les moyens de se diviser. Il n’y a aucune tension, il y aura juste du débat entre les deux tours. Mais, dimanche prochain on sera tous derrière le vainqueur. » « Derrière Hamon, du coup », le provoque Librati. « Derrière Valls », à Saint-Martin-du-Var, onentend des soupirs agacés. La faute au site Internet de la primaire à gauche, censé indiquer aux votants leur bureau de rattachement selon l’adresse de leur domicile, et qui n’était pas à jour, hier. « Onest d’abord montésàRoquebillière » , rembobinent Clarisse et Sven, un couple de sexagénaires habitant la vallée de la Vésubie.
« Même pas un papier sur la porte »
À 11 heures, ils ont finalement poussé la porte du bureau de Saint-Martin-du-Var, qui centralise trois secteurs. « Parce qu’on a entendu dire que c’était là. Il n’y avait même pas un papier sur la porte là-haut. » Eux votent Hamon. « Parce qu’il sera davantage en position de négocier avec Mélenchon. » C’est persiste Garcia. leurdeuxièmeprimairecette année, ils ont participé à celle de droite, en novembre, « pour virer Sarkozy ». « Je vois des gens qui s’énervent. On est dimanche, hein! » , lâcheune assesseur, visiblement débordée. Derrière trois urnes, ils ne sont que deux. « Je veux une pièce d’identité, vous êtes bien de la Vésubie? » , interroge-t-elleen consultant l’épais listing. Charlotte, 78 ans, veste de survêtement multicoloresur les épaules et rouge aux joues, ne s’attendait pas à voir « autant de monde » . Son vote ira à « Arnaud Montebourg, comme en 2011 » . Elle est venue seule. « Avec ma famille, je me suis attrapée, ils disent que la gauche, c’est plus la gauche. Moi? Je fais encore un essai. »