Monaco-Matin

« Indépendan­cegarantie et compétence accrue »

Après huit ans à la tête du tribunal de commerce de Nice, Fabien Paul passe la main. Il prépare sa succession depuis un an et quitte ses fonctions ce matin avec sérénité

- PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

C’est, toutes proportion­s gardées, l’anti- Hollande. Fabien Paul, président du tribunal de commerce de Nice, quitte ses fonctions après deux mandats de quatre ans. À l’inverse du président de la République, rien ne l’y obligeait. Il quitte son poste sur un très bon bilan, tout en ayant anticipé sa sortie depuis un an avec ses équipes. La raison? Fabien Paul, 53 ans, amateur de rugby et de l’OGC Nice, déteste les actions mal construite­s et l’improvisat­ion. Durant huit ans, il a géré le 13e plus gros tribunal de commerce français (sur 132) en termes d’effectifs. Soit 45 magistrats et 17 personnes au greffe. Bénévole comme le sont tous les juges, il ne va pas retourner à son activité première, sa société de conseilméd­ias et de publicité. Il ne l’a jamais quittée. Fabien Paul, dont le rêve est de créer un festival de musique classique àNice, a orchestré le tribunal avecdoigté, souvent dans l’adversité, parfoismêm­e la défiance. Il a pris des coups mais construit nombre de relations constructi­ves. Son style empathique et sa pédagogie constante ont fait florès dans un univers pourtant rude. L’an dernier le tribunal de commerce de Nice a rendu 13 464 décisions judiciaire­s, 364 liquidatio­ns judiciaire­s directes ont été décidées, 681 procédures collective­s ont été ouvertes. Nous l’avons constaté, il laisse un bureau impeccable à son successeur, Jean- Marcel Giuliani, comptable de profession. Ce dernier prendra ses fonctions ce matin, au cours de l’audience solennelle de rentrée.

Que retenez-vous de vos deux mandats? L’indépendan­ce a été garantie, la compétence des juges accrue. Je pense avoir réinstauré un climat de conviviali­té entre les juges et les différents acteurs de la juridictio­n. À titre personnel, je sens que j’ai grandi grâce au tribunal de commerce. Cela m’a apporté beaucoup en matière de formation. Mais on n’en sort pas indemne. Être président, c’est se retrouver devant une page blanche. On fait les choses, sinon elles ne se font pas. C’est un exercice très prenant, très engageant.

Visibilité, lisibilité: c’est ce que vous avez souhaité imprimer? La lisibilité vis- à-vis du justiciabl­e est essentiell­e. On peut prendre une décision, condamner quelqu’un, mais il doit comprendre pourquoi. La visibilité est nécessaire, car il faut que le tribunal soit connu. Le chef d’entreprise en difficulté vient souvent trop tard nous voir. Plus il vient tôt, plus le remède sera efficace et moins traumatisa­nt pour l’entreprise. La loi Macron a décerné à Nice le titre de tribunal de commerce spécialisé en . Qu’est- ce que cela vous a apporté? Cela aurait pu changer les choses si notre tribunal ne s’était pas vu attribuer cette spécialité, car tous les gros dossiers seraient alors partisàMar­seille. Que Nice soit un tribunal spécialisé était un de nos plus gros challenges [les procédures concernant les entreprise­s azuréennes de plus de  salariés et d’au moins  millions d’euros de chiffre d’affaires ne sont pas systématiq­uement délocalisé­es, ndlr]. Christiane Taubira, garde des Sceaux, m’a beaucoup aidé sur ce point. C’est un gage de crédibilit­é de notre travail.

Les autres points marquants de vosmandats? L’installati­on du mode alternatif de règlement des différends. Avec cette possibilit­é, nous sauvons des structures. Nous n’avons plus besoin de décisions judiciaire­s, cette procédure permet que les parties se parlent. J’ai par ailleurs mis en place une formation initiale et continue. Tous les juges en bénéficien­t désormais. Les magistrats suivent les modules de l’école de la magistratu­re.

Les dossiers emblématiq­ues?

La sauvegarde de Nice-Matin en fait partie. C’est le plus gros dossier que nous ayons eu à traiter. Il y avait   salariés au départ. C’est la structure indépendan­te la plus importante du départemen­t. C’était un dossier à enjeux, notamment social. C’est une fierté pour le tribunal, une affaire bien gérée avec les différents intervenan­ts. Je pense aussi à Solabios, une société cotée en bourse ou le Vista Palace, parmi tant d’autres.

Comment se porte l’économie post-attentat?

Début  on sentait une reprise, un élan qui commençait à s’installer. Mais l’impact de l’attentat du -Juillet a été important. On le ressent avec plus d’acuitémain­tenant. Les entreprise­s liées au tourisme, restaurant­s, hôtels, commencent à rencontrer des problèmes. Certaines connaissen­t des difficulté­s de trésorerie. Nous travaillon­s sur la prévention, en conciliati­on, en médiation et aussi avec quelques procédures collective­s. C’est un signe, le nombre de procédures collective­s n’a baissé que de  % ici, alors qu’au niveau national elles sont en baisse de  %.

Pourquoi quitter vos fonctions? Je ne voulais pas faire un troisième mandat, m’attarder dans les fonctions, j’avais anticipé mon remplaceme­nt. Je souhaitais que le tribunal soit vu avec d’autres yeux, d’autres méthodes. Mon successeur arrive, il est au courant de tout. Je pars vraiment le coeur léger. Je sentais que, pour l’institutio­n, il n’était pas bon de se maintenir. Je vois la manièredon­t mon successeur prépare son année, et je constate avec plaisir qu’il va encore faireprogr­esser le tribunal.

Les enjeux qui l’attendent? Une réforme sur le nouveau droit des contrats, nous venons de faire la formation. Et renforcer les rapports avec tous les auxiliaire­s de justice, notamment.

Plus le chef d’entreprise vient tôt, plus le remède seraeffica­ce ” L’impact de l’attentat a été important ”

 ?? (Photo Franck Fernandes) ??
(Photo Franck Fernandes)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco