Aideàune famille soudanaise : « C’était la seule chose à faire »
Face au tribunal d’Imperia, hier, le Cagnois Félix Croft a expliqué pourquoi il avait pris des réfugiés à bord de sa voiture à Vintimille. Echanges parfois crispés pour ce premier procès du genre en Italie
J’ai agi dans le cadre de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Ce que je pense être le cadre de la légalité européenne... » Comme un symbole, c’est sous les drapeaux italien et européen, aux portes du palais de justice d’Imperia en Ligurie, que Félix Croft se présente face aux caméras hier. Le Cagnoisde28ans semble éprouvé par deux heures et demied’audience, où l’accusation ne l’a pasménagé. Il reviendra le 16 mars écouter les réquisitions du ministère public et plaider sa cause. Il encourt5à15ans de prison. Pour la première fois, un tribunal italien juge un « bénévole humanitaire » , comme se définit Félix Croft. Après deux renvois successifs, entouré de ses avocates Laura Martinelli et Emilia Ferrante. il a pu expliquer pourquoi il avait pris cinq membres d’une famille soudanaise à borddeson break Citroën, le 22 juillet 2016, à Vintimille. « A l’époque, jem’y rendais régulièrement pour aider les bénévoles. On m’a parlé de cette famille qui vivait à l’église. On a décidé avec ma copine d’aller les voir. Notre aide était simplement morale, raconte Félix Croft, assis face au tribunal, relayé par l’interprète. Au début, je ne répondais pas quand ils me demandaient de les emmener. Puis ils m’ont dit qu’ils n’avaient plus un rond. Que lamaman était enceinte. L’élément déclenchant, c’est la brûlure tout le long du flanc du petit... Cette vision a corroboré leur histoire. Apartir de là, il m’est apparu que dans ma position, il y avait une seule chose à faire. »
Mis sur le gril
Félix Croft sera interpellé vers 22 h 15, sur la bretelle d’accès à l’autoroute en direction de Nice. « Il s’est tout de suite arrêté » , attestent les deux carabinieri qui l’ont interpellé. Mais la vice-procureure Maria Grazia Pradella, rompue aux affaires sensibles, presse de questions le jeune Cagnois. « Qui vous a dit cela ? » « Pourquoi cette fa- mille en particulier ? » « Comment pouviez-vous savoir qu’elle était enceinte ? » Sur le gril, Félix Croft, bien que calme, finit par s’agacer et manier l’ironie : « Les deux Opinel à bord ? C’est parce que j’aime manger du lonzo !» Et de répliquer sur un autre terrain : « Je suis aussi au courant que, malheureusement, beaucoup de migrants refusent de demander de l’aide pour des raisons politiques... » Les témoins successifsbrossent un tableau peureluisant de l’aide aux migrantsà Vintimille. De quoi sensibiliser le tribunal présidé par Donatella Aschero ? Les juges italiens s’inspireront-ils des peines clémentes tombées en France ? Début de réponse à la prochaine audience.