Bayrou or not Bayrou
Il ne révélera ses intentions que cet après- midi, la veille de l’ouverture officielle du dépôt des parrainages des candidats à l’élection présidentielle. François Bayrou n’a pas décidé de retarder sa décision par goût du suspense mais parce qu’il est confronté à l’un des choix les plus incertains de sa vie publique. Fabriqué aux forceps par le scrutin majoritaire à deux tours, le bipartisme est en train d’exploser, laissant le pays face à une offre électorale inédite née de cette désintégration. Nous sommes passés à un « quinquapartisme » avec l’extrême droite de Marine Le Pen, Les Républicains et le centre droit de François Fillon, les progressistes d’Emmanuel Macron, les socialistes de Benoît Hamon et la gauche radicale et communiste de Jean-Luc Mélenchon, sans oublier le diverticule vert de Yannick Jadot. François Bayrou conteste depuis plus de deux décennies ces deux camps qui s’affrontent pour le pouvoir mais ont en commun de n’avoir pas su réduire le chômage de masse. Une crise des résultats gouvernementaux qui explique les dérèglements électoraux en cours : le repli sur soi, la radicalisation, la versatilité grandissante de l’opinion. Une fracture profonde s’est ainsi installée entre des partis dits de gouvernements lézardés et les Français. Au rythme d’une alternance régulière depuis trois décennies, ils ont eu chacun l’opportunité de convaincre. Aucun n’y est parvenu. Les solutions, certes, ne sont pas si faciles à trouver mais, outre une crise morale, cette incurie éclaire le discrédit actuel de la parole politique traditionnelle. François Bayrou appartient, certes, à cette histoire mais il plaide depuis longtemps pour une majorité nouvelle et ouverte. En prenant le risque de se couper de ses alliés traditionnels de droite, il a offert une chance à François Hollande de rebattre les cartes puis il a soutenu Alain Juppé à l’automne dernier. Peine perdue. Le voici donc confronté à une réalité qu’il redoutait : une France politique éparpillée, certaine de se retrouver en mai avec un Président mal élu. Dans cet embrouillamini, peut-il faire entendre sa voix ? Et comment ? Concourir, il le sait, est très incertain. Emmanuel Macron, qui ne lui ressemble guère avec sa politique marketing, s’est emparé de l’espace électoral qu’il a construit au cours des années passées. Peut-il le reconquérir en moins de neuf semaines ? Peut- être car le territoire de Macron paraît friable. Cet assaut serait- il suffisant pour arriver en deuxième position ? C’est incertain car Fillon dispose d’un socle semble-t-il solide autour de %. S’il renonce, François Bayrou n’a d’autre choix que de rechercher un accord avec Emmanuel Macron qui lui permettrait de le ramener sur des chemins plus sérieux que ceux qu’il emprunte. Pari, lui aussi, sans garantie. Deux risques qui éclairent une hésitation qui n’a rien de feinte.
« Peut-il reconquérir [l’espace électoral dont s’est emparé Macron] enmoins de neuf semaines ? Peut-être car le territoire de Macron paraît friable. »