Le délit de présidentiable
Peu à peu on en est arrivé à ce paradoxe juridique : alors que les présidents de la République sont assurés de l’immunité pendant tout leur mandat, être présidentiable constitue un délit durant toute la période électorale. On ne peut pas prétendre s’occuper de l’avenir de son pays sans risquer de voir fouiller son passé. Tout est bon si l’on peut dire pour faire un mauvais parti aux papabili de l’Etat laïc : le patrimoine, les petits boulots, les grands travaux, les voyages, les relations. Le délit de présidentiable ne laisse pas davantage dans l’ombre les frais de bouche (la bière brésilienne consommée par Chirac à la mairie de Paris) que le paiement scrupuleux des impôts (fatal à Chaban-Delmas). Plus aucune chance de décrocher la timbale si l’on a trop rempli sa flûte de champagne. Le délinquant pré-Elyséen doit redouter la garde à vue, la perquisition de son domicile et l’écoute de ses communications téléphoniques. Alors que les gardes des Sceaux se plaignent toujours du manque de magistrats, il n’est pas rare qu’on puisse affecter trois juges instructeurs durant le week-end à l’examen d’une comptabilité familiale. Quant à l’immunité parlementaire, elle est oubliée quand l’Assemblée siège au-delà des frontières ou quand elle s’est mise en vacances avant un scrutin important. Autant dire qu’il est devenu plus périlleux d’être un politicien de haut niveau sorti de l’Ena qu’un mauvais garçon issu des banlieues difficiles.