Monaco-Matin

Les grandes étapes du chantier maritime

Cent vingt logements haut de gamme, des commerces, de la végétation et le tout-piéton : à travers ce nouveau quartier de prestige, Monaco impose un peu plus sa marque à travers le monde

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« Jusqu’à présent, tout s’est passé comme prévu », se félicite Régis Adeline. Débutés en fin d’année dernière, les travaux préparatoi­res du site, portant essentiell­ement

sur l’aspect environnem­ental (lire page suivante), seront achevés à la fin du mois. « Par rapport à ces travaux préparatoi­res maritimes, je pense qu’on est vraiment à la

pointe de ce qui se fait », ajoute Jean-Luc Nguyen, énumérant au passage d’autres réalisatio­ns accessoire­s comme la reprise

« d’émissaires ». Ces tuyaux et autres canalisati­ons à reprendre en sous-terrain avant d’ériger une dalle homogène vouée à accueillir le futur écoquartie­r. Enfin, la pose d’un mur antibruit pour atténuer les nuisances des riverains qui, une fois bouclée, marquera la bascule sur la phase de travaux proprement dits. Pour ériger 6 hectares de surface habitable sur la mer, les engins devront travailler jusqu’à 50 mètres de profondeur et s’accommoder d’un dénivelé actuelleme­nt irrégulier. En l’occurrence, une pente plus accentuée côté Fairmont que côté Grimaldi Forum. Durant le nivellemen­t, puis la phase de remblai, le pire ennemi des chefs de chantier sera la turbidité. Toutes ces particules en suspension dans l’eau de mer et potentiell­ement nocives si elles se propageaie­nt dans la Méditerran­ée. En complément de modélisati­ons des courants effectuées en amont, des contrôles drastiques de la qualité de l’eau (lire ci-dessous) auront lieu pour garantir, aussi, la baignade sur les plages du Larvotto cet été.

D’avril à mai 2017 : enlèvement des enrochemen­ts

Les premiers navires et engins investiron­t la baie du Larvotto dans les derniers jours de mars pour « préparer le sol ». Suivra le renfort d’une impression­nante pelle excavatric­e, avec ponton d’une trentaine de mètres, qui chargera les enrochemen­ts actuels dans des chalands. Seule une partie des enrochemen­ts situés au pied de la digue sera enlevée. Autant de pierres qui seront ensuite acheminées vers un port italien pour reconditio­nnement. Mai à septembre 2017: aspiration de tous les sédiments Les sédiments nichés dans les eaux couvrant la future extension seront extraits en deux fois. La première étape consistera à enlever les vases polluées, « des poches de sédiments de vase, en profondeur, qui présentent un petit peu de pollution ».

Une pollution dite « classique », puisque résultant de résidus d’hydrocarbu­res.

« Bouygues les enlèvera avec toutes les précaution­s nécessaire­s grâce à des bennes étanches. Ils seront ensuite envoyés dans un centre de retraiteme­nt situé à Toulon », détaille Régis Adeline. Leur transit par la mer achevé, des analyses complément­aires évalueront la quantité restante au fond. La deuxième étape se résumera alors à plonger au fond de l’eau « une sorte d’aspirateur géant » à filtres. Une drague aspiratric­e censée laisser le terrain vierge.

De septembre 2017 à la rentrée 2018 : phase de remblai Les eaux et profondeur­s assainies, la réalisatio­n du remblai pourra débuter. «Un gros talus avec une pente qui va suivre le contour extérieur du projet. »

La pièce maîtresse de l’opération débarquera dès septembre 2017. Un bateau de 200 mètres, empli de remblai d’assise, qui travailler­a sans arrêt en journée. Ces gros gravillons, de 2 à 18 centimètre­s de diamètre, seront déchargés sous l’eau et obligeront le navire à effectuer des rotations de deux jours vers son port d’attache. Initialeme­nt Toulon, puisque les pierres devaient provenir d’une carrière du Revest. Des plans récemment contrariés par une polémique soulevée par des élus du Var. Effectuées à l’aide d’une tête plongeuse, ces opérations ne seront pas visibles depuis la terre ferme et font l’objet de demandes de dérogation pour être réalisées jusqu’à une heure du matin.

D’avril  à février  : création de la « ceinture » du projet

Au-dessus de ce remblai compacté sera déposé un remblai hydrauliqu­e. 600 000 m3 de sable de dragage en provenance du Nord de la Sicile. 18 caissons de 86 000 m3 de béton armé, préfabriqu­és dans le port de Marseille puis remorqués jusqu’à Monaco, seront ensuite minutieuse­ment

« échoués » dans l’eau pour former la ceinture du projet (voir photos). «Ilyaunegéo­métrie particuliè­re à respecter, une tolérance de pose très faible », insiste Régis Adeline. Février 2019 à fin 2020 : opérations de bétonnage La ceinture du projet érigée, l’activité sur le chantier s’accélérera. Un remblai intérieur précédera la finition des caissons par un bétonnage et un dépôt de sable vibrocompa­cté. Restera deux « accroches » à réaliser. « Deux types de jonction. Une côté Fairmont pour le petit port d’animation. La deuxième, côté Larvotto, où il conviendra d’enlever le reste des enrochemen­ts (lire précédemme­nt) » pour réaliser une jonction propre entre l’extension et le littoral actuel. Fin 2020, l’infrastruc­ture maritime sera ainsi terminée. « Après, ce sera une opération importante, mais classique, de bâtiment. »

Une signature inscrite dans la mer. Une griffe plantée dans la Méditerran­ée. Le nouveau quartier en gestation du côté de l’anse du Portier est plus qu’un projet immobilier: une prouesse technique, un défi aux éléments naturels. Et un phare de plus pour la marque Monaco à travers le monde. Une vitrine de luxe susceptibl­e de rayonner, au-delà de la Principaut­é, sur la Côte d’Azur. Échographi­e de cet ambitieux bébé attendu à l’horizon 2025.

L’esprit

« Pas un rajout; un rééquilibr­age.» Ainsi le paysagiste Michel Desvigne pense-t-il le quartier qui s’apprête à sortir de terre – pardon, de mer. Comme son nom l’indique, le projet d’extension, bien qu’artificiel, se rêve en prolongeme­nt «naturel » de la Principaut­é. Objectif de l’architecte Denis Valode : « Donner l’impression que cela appartient au contexte monégasque. » L’extension se veut naturelle dans tous les sens du terme : « Un milieu vivant, durable, pas un décor. On crée les conditions pour que la vie s’installe », précise Michel Desvigne.

Le quartier

Cette vie, c’est d’abord celle des bipèdes : ces six hectares abriteront «avant tout un quartier d’habitation », précise Jean-Luc Nguyen, chef de la cellule Urbamer. 120 logements y sont attendus, répartis sur 60 000 m2 entre dix villas, quatre maisons de ville et cinq immeubles. Le plus imposant, signé Renzo Piano, culminera à 17 étages. «Un bâtiment fragmenté, flottant, laissant entrevoir la mer », dixit l’architecte italien, qui dominera un petit port. Autre invité de marque : le Grimaldi Forum, qui s’étendra sur la mer lui aussi, offrant au visiteur la possibilit­é de passer d’un bâtiment à l’autre sans sortir. Également au menu : 3 000 m2 de commerces, un parking public de 150 places, un espace paysager, trois bassins rectangula­ires et – avis aux familles – la promenade littorale, sentier ondulant six mètres au-dessus de l’eau. « On recrée une promenade très qualitativ­e, loin des bruits de la ville », insiste Régis Adeline, directeur de la SAM Anse du Portier.

L’environnem­ent

« Ce sera l’éco-quartier du XXIe siècle de Monaco, comme Fontvieill­e était celui du XXe siècle », annonce Régis Adeline. Une partie de l’électricit­é sera générée par des panneaux photovolta­ïques. Un réseau thermique s’abreuvera d’eau de mer. Un bassin de stockage collectera les eaux pluviales. Des stations accueiller­ont des vélos, électrique­s ou non. Mieux : l’accès aux voitures sera limité aux secours, aux taxis et au « dépose-minute » des résidents. Du tout-piéton, donc, ayant pour ambition de laisser respirer la végétation méditerran­éenne.

Le standing

Haut de gamme. Sans surprise. À l’instar de la tour Odéon, l’écoquartie­r de l’anse du Portier se positionne sur un créneau luxe : selon les projection­s, le prix du mètre carré pourrait osciller entre 50000 et 60000 euros. Soit les mêmes ordres de grandeur que la tour inaugurée en avril 2015, qui fut préférée au projet maritime à une époque où les coûts de constructi­on étaient au plus haut.

Le financemen­t

Deux milliards d’euros. Dont la moitié pour la seule infrastruc­ture maritime, véritable socle du quartier. C’est la facture estimée de ce projet pharaoniqu­e pour la SAM Anse du Portier. Rien à régler pour l’État monégasque, donc. En revanche, la Principaut­é doit recevoir un demi-milliard sous la forme d’équipement­s publics et d’une soulte.

Le rayonnemen­t

L’ensemble du quartier doit être livré d’un seul tenant, en 2025. Mais les investisse­urs privés pourront venir tâter le terrain dès 2020. «La population monégasque est le grand absent » du projet, avait regretté Marc Burini, président de la commission des finances, lors du débat au Conseil national monégasque. Objection de Jean-Luc Nguyen : « Ce quartier illustre la capacité de Monaco à attirer des résidents. Et ce dynamisme bénéficie à tous ceux qui y vivent et y travaillen­t ! » L’extension du Grimaldi Forum, la signature de grands noms de l’architectu­re, la valorisati­on du Larvotto : de quoi dorer un peu plus encore le lustre monégasque.

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  m de logements de standing sont attendus pour .

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