Contre le Front national un mauvais calcul
Curieux tout de même de voir à quel point tous les candidats, sûrs d’être confrontés à elle en avril prochain, évitent d’attaquer sur le fond Marine Le Pen avant le premier tour du scrutin présidentiel. C’est que, à droite et à gauche, de Jean-Luc Mélenchon à François Fillon, tous sont convaincus, sondages obligent, qu’elle sera présente au second tour. Ce sera, pensent-ils, au candidat arrivé en deuxième position d’affronter, pendant les quinze jours de l’entre-deux-tours, la présidente du Front national. D’ici là, basta ! C’est un calcul à courte, à très courte vue. Lorsqu’on en sera là, au second tour, après que tous ses adversaires se sont bornés, pendant la campagne, à agiter vaguement, et sans succès, l’épouvantail du FN, il risque d’être trop tard pour appeler les Français à une union républicaine – l’expression a presque perdu son sens – contre la patronne du FN. En attendant, celle-ci fait la course en tête. Ses concurrents préfèrent, avant de se frotter à elle, régler leurs comptes entre eux. Ainsi Benoît Hamon a passé deux heures, dernièrement, lors de l’émission politique phare de la campagne, sur France , à éreinter Emmanuel Macron, sans parler, ou très peu, le minimum, du Front national et des idées, complexes, ambiguës, parfois contradictoires que charrie aujourd’hui le mouvement frontiste. De la même façon, François Fillon ne mène pas une campagne acharnée contre Marine Le Pen, d’autant qu’il mesure bien la porosité entre une partie de son électorat et celui du FN. Lui aussi combat en priorité Emmanuel Macron, qui le devance dans les sondages. A peine quelques mots contre Benoît Hamon, pas plus contre Jean-Luc Mélenchon, qui ne présente aucun danger pour lui. Seul de son espèce, Christian Estrosi, sans doute parce que le front républicain fait autour de lui en lui a permis d’emporter la Région Paca face à Marion Maréchal-Le Pen, s’élève contre cette sorte d’aveuglement :
« Ses concurrents préfèrent, avant de se frotter à Marine Le Pen, régler leurs comptes entre eux. »