« Foie gras » : des Niçois découvrent un acteur clé
Des kilos en trop, c’est aussi un foie qui souffre. Des chercheurs sont sur la piste d’une thérapie contre cette complication hépatique de l’obésité
Nos sociétés occidentales pèsent de plus en plus lourd. Dans le même temps, l’espérance de vie augmente. La conjugaison de ces deux facteurs « fabrique » ainsi un nombre croissant de malades souffrant, sans le savoir, de « foie gras ». « La maladie du foie gras non alcoolique (NAFLD, sigle anglosaxon) est une complication très fréquente et pourtant méconnue du surpoids et de l’obésité ; elle progresse sur plusieurs années et peut évoluer à terme, vers une cirrhose hépatique puis un cancer du foie», alertent le Pr Albert Tran et le Dr Philippe Gual, co-responsables de l’équipe Inserm qui vient d’identifier un facteur clé dans le développement de cette affection (lire plus loin). Tout commence dans la NAFLD par un déséquilibre alimentaire, tristement répandu. «Une alimentation trop riche en graisses, en sucres, modifie progressivement la flore intestinale; ainsi, chez les personnes en surpoids, la variété des bactéries dans l’intestin est appauvrie. Ce qui induit une modification de la perméabilité intestinale. Des produits bactériens rentrent alors dans la circulation sanguine (endotoxinémie) », détaillent les scientifiques. Ce phénomène entraîne un dysfonctionnement du tissu graisseux . Au lieu de stoker les graisses, celui-ci va les relarguer dans la circulation et fabriquer des facteurs pro-inflammatoires.
Même observation chez les patients
« Le flux d’acide gras relargué, dont certains sont très toxiques, va vers le foie, qui va les stocker sous une forme neutre, pour protéger l’organisme. Le problème se pose lorsque le foie est dépassé par ce flux. Il devient alors le siège d’une inflammation et d’une souffrance hépatique qui induisent une fibrose susceptible d’évoluer vers la cirrhose (quelque 10 à 20 ans après) puis un cancer du foie dans les 6 à 7 ans qui suivent. » En essayant de décrypter ces étapes, l’équipe de chercheurs a mis en lumière une molécule exprimée par les cellules immunitaires présentes dans le foie, nommée CD 44 « Sur des modèles de souris, on a montré qu’en neutralisant grâce à des anticorps cette molécule, on parvient à corriger en partie l’inflammation et la souffrance hépatique. » Des expériences conduites sur des animaux génétiquement modifiés confirmaient également ce rôle clé de CD 44. Mais, quid chez l’homme ? «On a pu vérifier que des patients obèses atteints de “foie gras”, avec une inflammation, présentent des taux hépatiques très élevés de CD 44. On a suivi ensuite ces patients sur une période de 30 mois, après qu’ils avaient été traités par une chirurgie bariatrique (de l’obésité). À l’issue de cette période, leur atteinte hépatique était corrigée et cette amélioration était associée à une diminution de la molécule CD 44, confirmant le potentiel de cette molécule comme cible thérapeutique. » Même si beaucoup de temps est encore nécessaire pour atteindre cet objectif, ces découvertes pointent une nouvelle fois l’intérêt des recherches conduites « au lit du malade ». Et elles rappellent aussi combien le contrôle du poids, l’équilibre de l’alimentation, l’activité physique et dans les cas extrêmes, la chirurgie de l’obésité, sont un impératif si on souhaite soigner, au-delà de sa ligne, sa santé. 1. Ces découvertes viennent d’être publiées dans Journal of Hepatology, l’un des meilleurs journaux de cette spécialité.