Louis er de Monaco, ambassadeur au Vatican du roi de France
Al’extrême fin du XVIIe siècle, l’Europe vivait une période de grande incertitude. Le pape Innocent XII, dont l’influence était considérable, avait 85 ans et l’on pouvait imaginer une proche fin de règne. En Espagne, le roi Charles II n’était âgé que de 38 ans mais était malade et sans héritier. Deux successions d’une importance capitale étaient à prévoir. Le roi de France Louis XIV (1638-1715) surveillait de près cette situation. Il lui fallait placer quelqu’un de haute confiance et de belle envergure diplomatique au poste éminemment stratégique d’ambassadeur de France au Vatican, qui venait de se libérer. N’avait-il auprès de lui, à la Cour de France, aucune personnalité parmi les cerveaux ou les intrigants pour occuper ce poste d’« ambassadeur exceptionnel auprès du Saint-Siège» ? Le cardinal de Mazarin, mort en 1661, et le grand Colbert, mort en 1683, n’étaient plus là pour le conseiller. C’est alors que dans sa vaste tête de Roi Soleil surgit l’idée d’une personnalité inattendue, dont il avait été nommé parrain à l’âge de cinq ans : le prince Louis Ier de Monaco. Louis Ier régnait sur la Principauté depuis 1762, et s’était notamment illustré en remettant en vigueur un droit de péage sur les bateaux de commerce transitant par les eaux monégasques. Louis XIV et Louis Ier avaient de tout temps entretenu des relations étroites – des relations directes ou indirectes, la femme de Louis Ier, CatherineCharlotte de Gramont, ayant été plusieurs mois la maîtresse officielle de Louis XIV ! C’est en 1698, à l’âge de 56 ans, que Louis Ier, divorcé, père de trois enfants, eut la surprise d’être choisi par Louis XIV pour être son ambassadeur auprès du Vatican. Il reçut pour mission de représenter la France avec le plus de faste possible. Il s’acquitta au mieux de cette mission. L’arrivée à Rome du prince-ambassadeur fut digne d’un chef d’État, ainsi que le racontent dans les Annales Monégasques l’historienne Thérèse Ghizzi et l’actuel ambassadeur de Monaco en Italie Robert Fillon. Une flotte de quatre galères royales françaises conduisit à Rome le prince Louis Ier et sa suite.
Quatre galères royales pour le conduire à Rome
Il amenait avec lui tout son ameublement, dont quantité de tableaux de maîtres issus de la collection constituée par son grandpère, le prince Honoré II. Louis Ier s’installa à Rome au palais Corsini, qui avait été pendant trente ans la résidence de la reine Christine de Suède. Là, au milieu d’hectares de jardins, il disposait de douze luxueux carrosses et d’une cinquantaine de chevaux. Son administration et sa domesticité ne comptaient pas moins de cent soixante personnes. Lors de sa prise de fonction, un cortège traversa la ville de Rome. Les réceptions à l’ambassade devinrent parmi les plus cotées de la capitale italienne. Les dîners se faisaient dans de la vaisselle d’or, d’argent et vermeil. Un chroniqueur de l’époque parle d’une longueur de « trente-sept mètres de dentelle de soie noire veloutée au point d’Espagne » pour orner le manteau de l’ambassadeur. Il signale que la décoration des carrosses était assortie à sa tenue vestimentaire lors de ses déplacements ! Cette vie de luxe dura moins longtemps que prévu.
La foule pleure sa mort
La mort du pape Innocent XII survint le 27 septembre 1700. Le nouveau souverain pontife, Clément XI, fut intronisé le 23 novembre. Louis Ier fut le premier ambassadeur à être reçu. Mais, au sortir de l’audience, le prince-ambassadeur fut victime d’un malaise. Il ne mourut guère plus d’un mois après, le 3 janvier 1701. On trouve dans les archives du palais de Monaco une description de son cortège funèbre au travers des rues de Rome : « La population innombrable se pressait, pleurant la mort d’un grand ministre du roi très chrétien de France et d’un prince ayant toutes les qualités désirables chez un grand personnage. » Quelques jours plus tard, son corps fut ramené à Monaco. Il fallut trois mois pour faire revenir tout le mobilier à Monaco. Les carrosses furent mis en vente. Louis Ier eut pour successeur son fils Antoine 1er à Monaco et le cardinal Toussaint de Forbin à Rome. C’en était fini du faste de l’ambassade de France au Vatican.