Au chevet des oeuvres sur support de bois malades
Dans le cadre du chantier des collections du Palais de Carnolès de Menton, des restauratrices se penchent sur le cas de pièces rares, parmi lesquels des oeuvres des primitifs italiens
Au Palais de Carnolès, les docteurs formées pour soigner les oeuvres malades ont repris du service. Dans le cadre du « Chantier des collections » entamé fin 2015 au musée des Beaux-Arts (lire ci-contre). Dans la salle d’attente, cette foisci, des « supports bois ». Comprendre des oeuvres peintes sur des panneaux en bois. Soit, en règle générale, de vieux tableaux d’une richesse indéniable, primitifs italiens et flamands en tête. Des trésors jamais vus du grand public qui nécessitent, au préalable, des travaux de restauration. Ou plus précisément - dans un premier temps - de stabilisation. « Ce sont des matériaux fragiles, sensibles au taux d’humidité et aux variations de température », justifie Sophie Ghersi, restauratrice du Patrimoine. Car le bois est une « matière organique vivante », souligne sa collaboratrice sur le chantier, Florence Feuardent. « Quand il se rétracte, ça provoque des soulèvements. Il faut conserver de telles oeuvres à plat pour éviter la perte de matière », ajoute-t-elle.
Une oeuvre du XIIIe siècle retrouvé dans le fonds
Aux yeux des deux restauratrices, les « supports bois » représentent une valeur esthétique et patrimoniale réelle. Dans la mesure où les toiles ne sont apparues qu’à l’époque de Titien. Soit au XVIe siècle. La plupart des oeuvres peintes sur bois date ainsi logiquement de siècles antérieurs. L’un des 45 panneaux identifiés aurait notamment été réalisé au XIIIe siècle. Pour les deux restauratrices - qui ne secourent que la couche picturale - la première mission consiste à émettre un diagnostic sur l’état des oeuvres concernées. Portraits et scènes religieuses, essentiellement. De leur point de vue, seule une moitié des supports bois a aujourd’hui une (quasi) santé de fer. Pour les autres, dans un état « inquiétant », il est indispensable d’intervenir. «Comme aux urgences ! » lance Sophie Ghersi. Poussant la métaphore jusqu’à dire que Florence et elle collent, si besoin, des pansements sur les plaies. Du papier Japon, en l’occurrence. « On le coupe en frange puis on le fixe avec une colle naturelle afin que ça ne marque pas. On sait que ce papier est réversible. Il est possible d’intervenir dessus par la suite », détaille Florence. Expliquant qu’il faut appliquer la colle en partant du centre, pour chasser l’air, et permettre ainsi aux pansements de bien adhérer. En attendant une plus lourde restauration. Les interventions lors du chantier des collections se veulent en effet minimalistes. L’idée n’est pas de redonner aux oeuvres leur éclat d’antan. Mais d’opérer rapidement, en vue de leur simple survie. « Tant que le climat n’est pas stable, il est inutile de les restaurer totalement. Nous ne sommes pas dans une phase finale. On ne sait pas encore quand vont venir les vrais docteurs », souligne Florence. Tandis que Sophie évoque un travail de « longue haleine » . « Les choix par rapport aux réserves du Palais de Carnolès vont être déterminants », développe-t-elle. Suggérant que l’état de santé des oeuvres dépend pleinement de la manière dont elles sont - et seront - conservées. La suite logique supposerait que les panneaux soient placés dans un environnement sain. Dans l’optique d’être mis en valeur. Et, pourquoi pas, exposés dans le fonds permanent du musée. À terme.