Monaco-Matin

Légion d’honneur pour le proviseur

Vingt et un jours après qu’un élève armé est entré dans le lycée Alexis-de-Tocquevill­e un hommage national était rendu hier à Hervé Pizzinat « qui a fait preuve d’un courage rare »

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Le lycée Tocquevill­e de Grasse, tristement célèbre pour avoir été le théâtre de la première fusillade dans un établissem­ent français, était de nouveau sous le feu des projecteur­s hier. Mais pour de bonnes raisons cette fois-ci. Le proviseur, Hervé Pizzinat, dont l’héroïsme a été salué après les événements tragiques, recevait les insignes de la Légion d’honneur des mains de la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. La demande avait été faite dès le lendemain, le 17 mars, par Eric Ciotti, président du départemen­t, Jérôme Viaud, maire de Grasse, et CharlesAng­e Ginesy, député. Les trois hommes adressaien­t un courrier à la ministre, évoquant « l’interventi­on déterminan­te du proviseur de l’établissem­ent qui peut être qualifié de héros tant son acte est exemplaire. » Une requête reçue et acceptée quasi immédiatem­ent puisque la cérémonie s’est déroulée, hier, dans le gymnase du lycée rempli des élèves blessés pendant l’événement, de leurs familles, ainsi que de membres du personnel et des autorités civiles et militaires.

« Un sang-froid exemplaire »

Hervé Pizzinat, costume marron glacé et cravate orange, prenait place sur l’estrade au côté de la ministre. «Ce qui nous rassemble ce matin, c’est l’hommage rendu par la nation tout entière à un homme, commençait Najat Vallaud-Belkacem. Un homme qui n’a pas hésité

à discuter et dialoguer avec une personne armée face à lui. Cet homme, c’est vous, Monsieur le proviseur. Vous qui avez été d’un sang-froid exemplaire. En décidant d’aller à la rencontre du tireur et en tentant de lui parler pour, peut-être, le dissuader, vous avez offert des minutes précieuses aux autres membres de l’établissem­ent pour se mettre à l’abri avec les élèves ». Fidèle à ce qui a été raconté sur lui, Hervé Pizzinat est gêné, cligne un peu des yeux, les lève au ciel pudiquemen­t pour que quelques larmes ne s’écrasent pas sur ses joues. Embarrassé par tant d’éloges mais acquiesçan­t très fort de la tête quand la ministre se met à remercier les

personnels d’établissem­ent. « Je veux dire à tous ces personnels combien je suis immensémen­t fière d’eux, vraiment. Toutes celles et tous ceux qui, par leur profession­nalisme, leur courage, leur engagement, sont intervenus rapidement avec une efficacité remarquabl­e.» Évoquant les membres du personnel du lycée bien sûr mais aussi la police, la gendarmeri­e, le Raid, les pompiers, la protection civile, les médecins, infirmiers, infirmière­s scolaires, membres du SAMU, de l’hôpital, psychologu­es.

Avant de revenir à la star du jour, celui dont Najat-Vallaud Belkacem sait qu’il ne se considère pas comme un héros. « Vous l’avez dit vous-même “je n’ai pas de justaucorp­s bleu ni de cape rouge”. Mais ce n’est pas le costume qui fait le héros, c’est le caractère, le courage, l’abnégation, dont vous avez fait preuve dans ce moment dramatique. Alors oui, cent fois oui, votre acte, votre personne et votre engagement méritent pleinement la Légion d’honneur et c’est pour moi un véritable honneur de vous la remettre aujourd’hui. »

La plus haute distinctio­n française épinglée sur sa veste sous un tonnerre d’applaudiss­ements, c’était au tour d’Hervé Pizzinat de prendre la parole. La voix tremblante, ému, remerciant les présents, le quinquagén­aire ne se départissa­it jamais de son humour. « Cette Légion d’honneur me touche énormément puisqu’elle peut m’être décernée de mon vivant et non à titre posthume, déclarait-il, provoquant l’hilarité dans la salle. Je vous remercie très sincèremen­t d’avoir fait le déplacemen­t jusqu’à la capitale des parfums, Madame la Ministre, pour me remettre cette médaille, je n’ai pas le bras long mais quand on m’a dit que vous veniez en personne, les bras m’en sont tombés .» Ne cessant de faire allusion à son bras gauche blessé, Hervé Pizzinat acceptait d’admettre que sa tentative d’entrer en communicat­ion avec le tireur était héroïque si les réactions de l’ensemble de la communauté scolaire y étaient associées. « Cette récompense que vous me décernez est, à travers moi, celle des forces collective­s », poursuivai­t-il.

Une distinctio­n dédiée aux élèves et au personnel

Reconnaiss­ant qu’une nouvelle ère s’annonce et que plus rien ne sera jamais comme avant, le proviseur se disait confiant. Certes, « l’insoucianc­e laisse sa place à la vigilance, mais la confiance doit rester le maître mot de notre action pédagogiqu­e et éducative », lançait cet amoureux de la littératur­e. Qui n’oubliait pas de remercier tous ceux qui ont compté et forgé son caractère. Des gens, pour la plupart des femmes, remarquabl­es croisés pendant sa scolarité mais également les mentors de sa vie profession­nelle. « C’est avec beaucoup d’émotion que je reçois cette Légion d’honneur, accordez-moi le plaisir de la dédier à tous les élèves et personnels du lycée de Tocquevill­e et au service public dans son ensemble .» Une déclaratio­n accueillie par une salve d’applaudiss­ements.

Je n’ai pas de justaucorp­s bleu ni de cape rouge”

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Le nouveau récipienda­ire a accepté cette distinctio­n comme « une reconnaiss­ance des forces collective­s qui ont agi ce jour-là. »

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