Monaco-Matin

Voisin âgé trop généreux: une famille de Mandelieu condamnée

André, 88 ans, veuf, riche et diminué, s’est vu, en quelques mois, délesté d’une partie de ses économies. Ses voisins, trop prévenants, (un couple et leur fille) ont été rattrapés par la justice

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Laurent, 62 ans, et Sylvie, 58 ans, l’appellent familièrem­ent «Dédé». André, 88 ans, est leur voisin à Mandelieu-la-Napoule. Un homme âgé, seul, diminué et dépressif depuis le décès de son épouse. Le couple, qui dit s’être pris d’affection pour le vieux monsieur, s’est mis peu à peu à son service. De manière désintéres­sée ? La justice en doute. Une fois n’est pas coutume, ce sont les banques, intriguées par de curieux mouvements de fonds, qui ont alerté le parquet de Grasse. Laurent, titulaire du RSA, concède qu’il a bénéficié, à l’instar de sa femme et sa fille, de « quelques cadeaux », de la part de Dédé. « 150 000 net d’impôt en six mois, c’est une coquette somme »,observe Marc Joando, le président du tribunal correction­nel de Grasse, chargé de juger cette affaire d’abus de faiblesse. « Si Dédé, comme vous dites, a toutes ces facultés, pourquoi vous demande-t-il de gérer ses comptes ? » « Il avait peur de son fils, rétorque Laurent. On était 365 jours par an avec lui. Je lui faisais ses courses, je le sortais, nous mangions ensemble… Il voulait me gâter, il avait le droit. »

Un bateau à  

Les enquêteurs ont découvert que le couple, de condition modeste, s’était rapidement enrichi au contact d’André: bateau de 70000 30 000 en liquide, 40000 sur une assurance-vie, 20 000 investis dans un fonds de commerce… Sylvie s’est retrouvée la bénéficiai­re à 50 % de 600000 d’assurancev­ie. « Il voulait tout me donner. J’ai refusé », précise-t-elle avec une candeur confondant­e. « Il a acheté une famille, il n’en avait pas. ajoute-telle. Il ne nous aurait rien donné, on serait resté avec lui. Il n’est quand même pas coupable de nous avoir gâtés! » Le vieux monsieur dépensait près de 5000 par mois, lui, dont la pension, modeste, était complétée par des loyers et un patrimoine estimé à 800000 Aujourd’hui en maison de retraite, Dédé n’est pas sûr d’avoir les moyens d’y rester jusqu’à la fin de ses jours tant son argent s’est évaporé depuis mai 2013. Le couple se doutait bien qu’il pourrait avoir des problèmes, notamment avec le fils de leur généreux voisin. Alors Laurent et Sylvie ont consulté un avocat et emmené André chez le médecin. Le médecin affirme que le retraité avait toute sa tête. Un certificat médical de complaisan­ce? C’est ce que sous-entend l’expert judiciaire qui conclut à d’évidents problèmes cognitifs. « Le devoir du parquet est de protéger les plus vulnérable­s, même malgré eux », tonne le procureur Valérie Tallone. Les trois prévenus se disent désolés d’être là. Je suis surtout désolé pour André B.» Le couple, de mai 2013 à septembre 2015, aurait détourné 375000 « Ils ne croient pas eux-mêmes à leurs arguments puisqu’ils admettent qu’ils risquaient d’avoir des problèmes.On a une totale disproport­ion entre les services rendus et l’argent dépensé. »

Le test de l’horloge

Le procureur requiert contre le couple 18 mois de prison dont dix avec sursis, assortis d’une interdicti­on d’exercer toute activité en lien avec l’aide à domicile pendant cinq ans. Un an dont neuf mois avec sursis est demandé contre Jenny, la fille du couple. Me Valérie Monti, avocat de la famille, plaide la relaxe de ses clients : « On met en cause le certificat d’un gériatre qui a fait passer le test de l’horloge, un test de référence pour détecter Alzheimer. » Me Monti note qu’à aucun moment la justice n’a placé André sous tutelle. Le fils lui-même, aujourd’hui partie civile, explique dans une audition que son père a donné « sciemment » de l’argent à cette famille. « Comment dès lors caractéris­er l’élément intentionn­el pour que vous entriez en voie de condamnati­on ? », s’interroge l’avocat. Le tribunal correction­nel est resté sourd aux arguments de la défense et a condamné les voisins indélicats à deux ans de prison dont un an avec sursis. Ils devront verser au fils de la victime 10 000 de dommages et intérêts et 150 000 à André. La fille du couple a été condamnée pour sa part à un an de prison avec sursis. Les sommes confisquée­s seront restituées au vieil homme.

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(Photo J.-P. S.) Le tribunal de Grasse a condamné les voisins indélicats à deux ans de prison dont un an avec sursis.

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