Une contre-attaque à double tranchant
« François Fillon n’a plus que quelques jours pour révéler les noms de ceux qui ont tenté de le salir. Après le 23 avril, il sera trop tard. »
C’est la dernière ligne droite. Celle de la cristallisation. C’est-à-dire le moment, où, mis au pied du mur par l’approche du premier tour, les électeurs font véritablement leur choix. Celle aussi où les candidats se livrent l’ultime bataille. Ils ont encore un peu plus de quinze jours devant eux. C’est peu, et c’est beaucoup : tout peut encore se passer. Mais on n’y voit pas encore clair. Certains sondages, regardés scrupuleusement par tous les candidats, marquent, depuis deux jours, une légère inflexion. Pas assez nette pour noter un retournement de situation, assez cependant pour voir se dessiner une légère remontée de François Fillon, talonné cependant par Jean-Luc Mélenchon, et un fléchissement d’Emmanuel Macron. D’autres, en revanche, donnent à Emmanuel Macron une légère avancée sur Marine Le Pen. Le dernier débat à onze de mardi soir n’a donc pas changé l’ordre supposé des candidats pour le avril prochain, mais il a peut-être resserré les écarts. Pas de trêve, donc, une accélération au contraire, de la fin de la campagne électorale la plus violente qu’ait connue la e République. Hier, au contraire, le combat est encore monté d’un cran. François Fillon a redit avec force au micro de France Inter, qu’il détenait les noms des personnes ayant communiqué les documents qui l’ont mis en cause au Canard enchaîné, et qu’il ne manquerait pas de les poursuivre en justice. Voici donc le temps de la contre-attaque. Son objectif est clair : le candidat de la droite entend remobiliser un électorat un temps désemparé par le « Penelopegate », en faisant la démonstration qu’on, c’est-à-dire l’Élysée, a bel et bien essayé de le détruire. Sa contre-attaque risque pourtant d’être à double tranchant. Certes, c’est son but, elle peut ramener à lui, en effet, ceux des électeurs de droite qui s’étaient détournés, un temps, du candidat désigné par la primaire, dont l’image a été, depuis, sérieusement écornée. À la veille du scrutin, beaucoup parmi eux ne voulant finalement pas être privés de la victoire qui leur paraissait à portée de main, choisiraient de passer sur les écarts et les erreurs morales de leur leader. L’idée qu’il s’agisse d’un complot mené par des officines présidentielles serait bien entendu de nature à les conforter dans leur choix tardif. La combativité de François Fillon peut aussi convaincre ceux des cadres LR, les quadragénaires notamment, qui se sont mis, depuis la mise en examen de François Fillon en congé de sa campagne. En revanche, elle remet au centre du jeu les affaires, à un moment où elles commençaient à se tasser, – et même à ennuyer –, au moment où les Français, de surcroît, attendent toujours qu’on leur parle enfin du fond des dossiers. Réforme du travail et de la Sécurité sociale, baisse du nombre des fonctionnaires, montant des économies, c’est sur tous ces points que l’on a envie désormais que se déplace enfin le débat, voire le combat. François Fillon n’a plus que quelques jours pour révéler les noms de ceux qui ont tenté de le salir. Après le avril, il sera trop tard.